Le Twitteur ou Twitto est un être humain (précision importante dans la mesure où des robots œuvrent également sur le réseau social !) qui exprime une idée ou transmet une information en 140 caractères sur Twitter. Le Twitteur « influent » a une démarche volontariste de présence et d’influence (d’e-réputation) sur Twitter et compte ses followers (ou abonnés) comme Picsou le faisait régulièrement pour chacun de ses sous. Le dénominateur commun s’arrête toutefois là car Balthazar souffrait d’avarice tandis que le Twitteur influent porte un attachement singulier à son image et s’inscrit dans une pulsion du Moi qui reflète un certain rapport sociétal à l’objet digital. De fait, certains e-influenceurs sont caractérisés par des traits psychiques singuliers que nous proposons d’illustrer ici à travers l’histoire de la vie « digitale » de Paul.
Paul est un expert du digital qui vit dans les beaux quartiers parisiens. N’en tirez toutefois pas de conclusion hâtive car il aime à dire que ses origines sont modestes et qu’il apprécie ceux, qui comme lui, n’oublient pas « d’où ils viennent ».
Paul est donc un quadra modeste. Il parle avec sincérité et une certaine simplicité.
PAUL TIENT UN BLOG
En revanche Paul est un accro de l’emphase lyrique lorsqu’il prend la plume ou le clavier. Littéraire intarissable, il aurait voulu être écrivain, caractéristique qu’il sublime en écrivant ses pensées et humeurs numériques, et son avis d’expert, sur un blog. Rédacteur prolixe, l’homme, au fil de ses articles, se positionne en gourou du digital et acquiert, de fait, une certaine visibilité qui lui permet, parfois, de vivre l’extase d’être interviewé par de vrais journalistes.
PAUL DEVIENT UN BLOGUEUR INFLUENT
Il y a quelques années, disons, 7 à 8 ans, l’histoire se serait arrêtée là. Paul aurait poursuivi sa quête de reconnaissance sur le mode du storytelling en développant ainsi, d’une certaine façon, sa propre histoire, au fil de la rhétorique de ses nombreux articles publiés sur ce journal digital.
Certes, il a 7 à 8 ans, Twitter existait déjà (création en 2006), mais l’oiseau bleu devait faire ses preuves, notamment parce qu’il limitait l’expression à 140 caractères (ce qui est toujours le cas). Quelle frustration pour un littéraire qui, comme l’auteur de cet article, aime développer le cheminement de sa pensée à travers l’exercice de l’atticisme !
Le réseau social s’inscrivait pourtant dans le sens de l’histoire dans la mesure où la notion de temps est devenue le critère intrinsèque qui définit l’évolution sociétale induite par Internet. La vitesse de propagation de l’information, surtout sur Twitter, est en effet sans commune mesure, en particulier depuis que les réseaux sociaux ont pénétré le foyer de la ménagère de moins et de plus de 50 ans !
C’est ainsi que les instances du pouvoir de « l’ancien temps » (l’Etat, les organisations, les entreprises, les marques…) ont dû partager une autorité qu’elles n’ont pas complètement perdue mais qui peut, à présent, se retrouver, en partie, entre les mains du citoyen un peu malin.
Paul étant à la fois citoyen, professionnel de la nouvelle ère (la fameuse troisième révolution industrielle) et malin, il a donc vite compris l’intérêt, pour son Moi, de développer son e-réputation en gazouillant avec frénésie sur le fil de l’oiseau bleu. Le réseau social lui permettrait bien entendu de mettre en avant les articles de son blog qu’il ne pourrait en aucun cas délaisser, mais surtout, il serait l’outil du JE, du JEU IVL (In virtual Life) et de la conduite ordalique. Tout un univers de promesse s’offrait à notre futur héros.
PAUL VEUT DEVENIR UN INFLUENCEUR SUR TWITTER
C’est ainsi que Paul, happé par le désir de voir son propre reflet dans le miroir digital, est devenu bicéphale. Démontrant de multiples facultés sur son blog : sens de la narration, capacité d’analyse et de rédaction, posture d’éclaireur digital, Paul utilise ce support de communication pour illustrer ses compétences (« voici ce que je sais faire »).
Sur Twitter, le héros s’inscrira ensuite dans le champ de la performance (« voici ce que je suis ») à travers notamment l’usage de la manipulation (au sens sémiotique du terme), c’est-à-dire un maniement fin et précis du réseau social. Le Twitto à la recherche de l’influence tentera ainsi de réaliser une performance un peu sans fin, celle de dire :
« je suis fort et puissant », ou plus précisément : « Je suis plus fort et plus puissant… ».
Il serait intéressant, à ce stade, d’utiliser la métaphore de « toto qui tombe à l’eau » pour expliquer pourquoi cette performance reste, dans l’absolu, inatteignable. (N.B. : Il semblerait, à l’heure ou nous écrivons ces lignes que le seul toto qui ne soit pas encore tombé à l’eau soit Justin Bieber, utilisateur le plus suivi sur Twitter avec plus de 38 millions de followers). En effet, si, comme nous allons le voir, Paul devient peu à peu twitto-dépendant, c’est parce-que l’expérience de la montée en puissance (l’influence), sur Twitter, peut-être renouvelée à l’infini et qu’elle n’a pas, dans l’absolu, de limite. Sur quels critères Paul pourra-t-il en effet estimer qu’il a atteint un objectif qui ne peut être clairement défini tant il relève de sa subjectivité et de son intériorité psychique ?
L’expérience vécue sur Twitter est donc à la fois itérative et incrémentale et c’est ce qui peut amener certains sujets à une addiction comportementale…
Retrouvez l’intégralité de l’article d’Isabelle Bouttier sur son site, à la page suivante.
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