Stanislas Magniant – Directeur de Publicis Consultants Net Intelligenz et membre de Syntec Conseil en Relations Publics.
Dire que l’avènement du web social conduit à une redistribution des cartes entre les différentes disciplines de la communication relève désormais d’un euphémisme doublé d’un cliché. Qu’il s’agisse du marketing, de la publicité, du digital ou des relations publics, les lignes de démarcation se brouillent et se chevauchent. Les professionnels de Relations Publics disposent néanmoins de bonnes cartes pour devenir le partenaire privilégié de leurs clients en matière de communication sur les médias sociaux :
– De la diffusion à la conversation en ligne. Là où d’autres disciplines de la communication sont habituées à la diffusion top-down de messages parfaitement ajustés, les professionnels de relations publics paraissent naturellement plus à l’aise pour gérer l’interaction, la critique, et la communication itérative qui s’impose désormais entre marques et internautes, bien souvent à l’initiative de ces derniers. Ce n’est pas un hasard si l’on voit ainsi de nombreux jeunes professionnels des RP se tourner tout naturellement vers le community management.
– Le contrôle du message, règle sacro-sainte du marketing traditionnel relève désormais du vœu pieux sur internet. En RP, le contrôle du message relève davantage d’un idéal que de la réalité, dans la mesure où ce message sera relayé, rédigé, interprété par des tiers prescripteurs, qu’ils soient journalistes, prescripteurs ou bien blogueurs. Les professionnels des RP s’évertuent davantage à influer sur les messages qu’à les contrôler ; en ce sens, les « RP online » vis-à-vis des influenceurs du web relèvent d’une extension naturelle du métier.
– L’économie de l’attention sur internet impose plus qu’ailleurs de trouver des angles, des sujets à même de capter l’attention des internautes, et qui susciteront retombées et discussions sur les blogs ou les réseaux sociaux. Définir une stratégie de communication en fonction de la demande et non pas en fonction de l’offre (le message de la marque administré à coups de GRP et CPM) correspond ainsi naturellement aux ressorts fondamentaux des RP.
Pour autant, les RP pâtissent également d’un triple handicap lourd dans la lutte d’influence qui s’annonce.
– Un problème d’échelle tout d’abord : le mythe des influenceurs du web fond comme neige à mesure que les blogs perdent de leur aura au profit des réseaux sociaux. Gérer des fichiers de quelques dizaines voire centaines de blogueurs est une chose, interagir avec plusieurs centaines de milliers de consommateurs sur Twitter et Facebook en est une autre. A cette échelle, les professionnels du marketing et du CRM apparaissent davantage dans leur élément.
– Un problème de mesure : de même que l’absence de mesure fiable de l’impact des RP a longtemps pesé sur le mode de rémunération des RP, la mesure de l’influence sur le web social se présente aujourd’hui encore comme une martingale élusive. Faute de mieux, les outils de mesure qui s’imposent progressivement sont dérivés de la mesure marketing et de l’analyse quantitative, au grand dam des professionnels des RP, partisans d’une approche qualitative.
– Un problème de contenus enfin pour parvenir à capter l’attention et générer l’interaction. Sur le terrain de jeu infini qu’est internet, la multiplicité des médias est à la fois une aubaine pour les RP (autant d’opportunités de retombées) qu’une gageure tant il apparait difficile de retenir l’attention des internautes face aux stimuli permanents de Twitter, Facebook ou Youtube. Capter cette attention passe par une surenchère en matière de créativité digitale qui n’est a priori pas à l’avantage des RP traditionnelles.
En somme, l’avènement du digital représente pour les RP une évolution davantage qu’une révolution. Mais cette évolution s’accélère et pourrait bien ne pas tourner à l’avantage des RP à moins de renforcer profondément les compétences technologiques et créatives du métier.
Propos recueillis par Alexia Guelte Morot, Responsable Communication Externe de l’Argus de la presse.