Rencontre avec Florentine Mähler-Besse, sémiologue du vin

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Gaelle Pineda est Sémiologue Associée de l’agence  Sémiosine, une agence conseil en marketing et communication spécialisée en sémiologie de l’image et qui accompagne les entreprises, les agences dans leur réflexion stratégique sur l’identité visuelle, image de marque, positionnement, exploration de concept, veille concurrentielle…  Elle nous a autorisée à reprendre une interview de Florentine Mähler-Besse, sémiologue du vin,  consultante et journaliste, qui nous parle de son parcours, de son domaine d’expertise et de l’apport de l’analyse sémiologique dans la communication et le positionnement des marques de vins et spiritueux.

 

Semiosine

 

Sémiologie et vin, voilà une rencontre originale ! Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Je suis née dans une famille de négociants en vin. Adolescente mes petits boulots sont dans le vin, je travaille lors du salon Vinexpo, lors des vendanges, pour une distillerie de whisky… Mais je ne me sens pas la fibre commerciale, alors je sors un peu de la tradition familiale et je pars à Paris. En arrivant à la Sorbonne, je rencontre Valérie Brunetière (Maîtresse de conférences en sciences du langage à Paris Descartes), qui me fait découvrir la sémiologie et, ainsi, une lecture du monde passionnante ! Je me suis alors dit qu’il fallait que je l’applique à ma vie, au vin, pour voir le discours qui est derrière tout ce qu’on m’avait toujours raconté. Et là, je ne me suis plus jamais arrêtée. Aujourd’hui, je suis sémiologue du vin. Je ne travaille que sur les vins et les spiritueux.

Mes premières recherches portaient sur les bouteilles de vin de Bordeaux, les étiquettes… Je faisais des études sémio-linguistiques pour une chaine de caviste et un site internet de vin. J’étais déjà dans la pratique, le conseil : donner du sens à l’organisation du magasin, à leur site internet… Puis je me marie avec un négociant en cognac, je pars à New York et je travaille pour lui sur la communication du cognac. Je ne change pas vraiment de monde parce que la sémiologie du cognac et celle du vin ne sont pas très éloignées. Le fonctionnement est un peu différent mais les valeurs sont proches.

De retour en France, je termine mon master et je commence le journalisme du vin. Je prépare actuellement une thèse sur les vins de France pour permettre aux annonceurs, aux vignerons, aux négociants ou aux syndicats de se présenter, d’affirmer leur identité. Aujourd’hui, la publicité pour le vin est assez floue, les gens ont du mal à se différencier les uns des autres. La démarche est d’arriver à donner des clefs de discours à chaque région pour que chacune puisse affirmer sa singularité.

En quoi consiste votre travail de sémiologue auprès des marques de vin ?

Mon travail tient à la fois du diagnostic, du conseil et de l’accompagnement dans la création de produits et d’outils de communication (sites internet, publicités, brochures…). C’est un secteur assez demandeur parce qu’il y a une forte concurrence et qu’ils ont tous besoin de faire passer les bons messages. Selon qu’ils vendent des grands crus, des vins d’entrée de gamme, des primeurs ou de vieux millésimes, le message n’est pas le même. Il y a tout un travail sur les couleurs, sur le vocabulaire, sur la manière de s’adresser aux clients qui est intéressant. Sur les logos aussi. Pour la création de produit également, la sémiologie est fondamentale. Parce qu’un produit est avant tout un message. Ce qu’il y a dans la bouteille en général, la personne qui l’achète ne le goûte pas avant. Il faut donc lui expliquer ce qu’elle achète. Et pour ça, il faut des signes…

Aux USA par exemple, j’ai créé un produit qui s’appelle Antarctica, qui était un cognac blanc. Nous avons dû supprimer le terme « cognac blanc » par la suite. Le BNIC (Bureau National Interprofessionnel du Cognac) a en effet estimé que le blanc ne pouvait pas être la couleur du cognac, même s’il s’agissait d’un cognac vieilli en barrique. L’organisation interprofessionnelle chargée de défendre l’appellation a donc statué : la couleur est le signe du cognac, elle fait partie de son identité, et s’il est blanc, on dira que ce n’est pas du cognac. Ils ont d’ailleurs dû modifier le décret d’appellation et intégrer la couleur à la réglementation. En fait, ils ont institutionnalisé le signe de la couleur du Cognac.
antartica-box
Au delà de l’aspect réglementaire des choses, c’était un travail de création passionnant. Antarctica est né d’une aventure en Antarctique à bord d’un voilier. En revenant, on s’est dit qu’il fallait que l’on fasse quelque chose de ça. Il fallait raconter cette histoire dans une bouteille. J’ai trouvé une bouteille qui faisait penser à un Iceberg ou un glaçon, pour jouer sur la transparence… Il fallait un cognac très clair, qui fasse penser à quelque chose de pur, le nom Antarctica bien sûr, la typographie… Mais il fallait aussi garder l’origine du produit, rappeler avec un blason l’ancienneté de l’entreprise, son identité… Là, la sémiologie est ici fondamentale. Et puis il fallait choisir ce qu’on mettait en avant. L’aspect pur et extrême ou l’aspect aventure, bateau ? Il fallait faire des choix et inventer quelque chose d’efficace. C’est un beau succès commercial.

Le dernier produit que j’ai créé est aux antipodes de ce que j’ai fait pour le Cognac. C’est plus dans l’état d’esprit cocktail. L’idée, c’était de réinventer le Pineau des Charentes, le rendre plus sexy et moins cher. Le Pineau des Charentes est un produit assez onéreux qui a une image franchouillarde et vieillotte. Il a fallu l’alléger un peu, en faire un cocktail. L’entreprise voulait affirmer son identité avec un produit du département des Charentes et en même temps le rendre accessible pour les étrangers. Alors on a pensé à une pin-up et on a joué sur la francité (un drapeau français, une feuille de vigne, une jolie femme…) tout en essayant de se rapprocher un peu de l’univers du rhum, plus exotique et en vogue actuellement… Donc en réinterprétant les signes du rhum et en les mixant avec ceux de notre cocktail. La sémiologie permet ainsi de piocher dans tous les discours qui se font pour se servir des signes que l’on entend, construire le sens qu’il y a autour et les interpréter.

Mais en France on est assez conservateurs avec nos produits. Le cognac, le vin, tous ces produits qui touchent à notre identité, à nos terroirs, à nos agriculteurs. On n’aime pas trop que ça change !

 

Retrouvez l’article ici : Interview #10 : la sémiologie du vin

 

 

Un petit rayon de Com'

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