Matière à réflexion : Bernard Petitjean et Corinne da Costa – Seprem Etudes & Conseil
Baisse des recettes publicitaires, concurrence de Google, défiance croissante à l’égard des journalistes et des médias, crise économique … La presse française est confrontée à une de ces « conjonction des catastrophes » dont on ne sort que mort ou vraiment très différent. Tout indique aujourd’hui que, pour ceux qui préfèrent vivre, le salut passe par la fin des contenus gratuit.
Les audiences gratuites se monétisent mal. Proposer de l’information gratuite sur Internet a un temps été perçu par les médias comme le moyen de fédérer des audiences très importantes pour les monétiser auprès des annonceurs. Mais les éditeurs ont aujourd’hui compris que cette démarche n’était pas la bonne pour au moins 3 raisons : aussi importantes soient-elles, leurs audiences gratuites ne permettent pas de rivaliser avec celles des moteurs de recherche et des sites de services ; le prix obtenu pour un contact généré via un support gratuit en ligne demeure très inférieur à ce qui est atteint avec un support payant, notamment imprimé ; enfin, la crise est désormais bien là, et ce sont les recettes publicitaires dans leur ensemble qui baissent.
La production d’informations gratuites en ligne peut nuire aux marques médias. Lors des récentes Assises du Journalisme, plusieurs représentants de médias imprimés et Pure Players soulignaient que, lorsque l’objectif est d’être le plus souvent cliqué sur Google, la production journalistique change de nature : il faut en effet produire beaucoup et en quasi temps réel des brèves sans réelle expertise ni valeur ajoutée. Les conséquences sur l’image de la « marque mère » (et donc son achat sous forme imprimée) sont négatives : dégradation de l’image d’expert, moindre perception des fonctions d’analyse, perte d’affinité et, plus globalement, de « valeur perçue ».
Google est sans doute nécessaire aux médias, mais pas indispensable. Plutôt que de batailler pour toucher des droits sur l’utilisation de leurs contenus, 90% des médias brésiliens ont simplement demandé à Google de les déréférencer. Leurs audiences en ligne n’ont baissé que de 5% mais les connexions directes sur leurs sites ont augmenté.
L’information en ligne se vend si elle apporte une vraie valeur ajoutée. Aux USA, sur la période avril-septembre 2012, 55,5% des 1.613.865 ex vendus quotidiennement par le New-York Times l’ont été en format numérique. En valeur absolue, c’est le Wall Street Journal qui vient en tête avec 2.293.798 exemplaires numériques vendus chaque jour, soit au numéro, soit par abonnement au tarif de 79 €.
Bien sûr, la France n’est pas l’Amérique, les quotidiens ne sont pas des magazines et ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain. Mais tous les média peuvent au moins retenir une leçon de ces évolutions en cours : leur valeur est dans leurs contenus.
Bernard Petitjean ([email protected])
et Corinne da Costa ([email protected])
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