Culture RP a rencontré Marie Muzard, experte en communication sensible depuis près de 20 ans. Elle a voulu partager la méthode qu’elle a développée et testée dans le cadre de son agence MMC, pour prévenir les bad buzz. Mais aussi éviter qu’ils ne dégénèrent en crise et dans certains cas pour les transformer en good buzz: « Le digital bouscule nos repères et si le mensonge, la langue de bois, la pression, l’action juridique, sont des recettes encore (trop) utilisées en gestion de crise traditionnelle, elles sont souvent contre productives sur la toile. Il est nécessaire d’adopter de nouveaux réflexes, de modifier certains process et de se familiariser avec les règles du jeu des médias sociaux ».
L’ouvrage Very Bad Buzz, méthode pour préserver sa réputation sur internet vient d’être publié aux Ed. Eyrolles.
Marie Muzard, quelles sont vos activités, les valeurs de l’agence ?
Nous accompagnons nos clients confrontés à des situations sensibles dans les médias traditionnels ou digitaux, et nous intervenons également à titre préventif. Nous avons développé une méthodologie et des outils pour traiter et prévenir les bad buzz. MMC est très attachée à l’éthique et ne s’engage que sur des missions qui sont conformes à ses valeurs. De même, elle refuse toute pratique qui transgresserait l’éthique (achats de faux blogs, faux commentaires…). Le conseil ne se résume pas à reformuler les bonnes idées de ses clients ou à valider les options les plus consensuelles. Les consultantes (entre 10 et 20 ans d’expérience) s’engagent et représentent une force de proposition en termes de stratégie, d’argumentation et de process… Notre approche se veut avant tout pragmatique, elle propose une démarche méthodologique validée sur le terrain par la gestion de plusieurs centaines de situations sensibles au plan international en particulier sur le web.
Quelle est votre définition d’une crise pour une marque, un chef d’entreprise ?
C’est une question importante car on a souvent tendance à utiliser indifféremment les termes buzz et crise. Le buzz peut se définir comme une vague de critiques sur internet (sites, blogs ou réseaux sociaux) alors que la crise est une situation qui menace une partie ou la totalité d’une entreprise ou d’une organisation. Elle se traduit en général par une baisse du chiffre d’affaires ou du résultat à court ou moyen terme, ou encore par un recul du cours de bourse, le départ d’un dirigeant,… C’est donc une situation très perturbante pour l’organisation.
De ce point de vue, tout bad buzz n’est pas crise, loin s’en faut.
Votre ouvrage révèle les pièges les plus courants du bad buz, quels sont les enjeux et réponses d’une « bonne communication » de crise ?
C’est d’abord une question de posture par rapport au phénomène du bad buzz.
Il est important de prendre ce nouveau risque au sérieux sans pour autant le dramatiser et de se débarrasser d’une idée reçue : croire qu’un bad buzz en chasse un autre et ne mérite donc pas de traitement particulier. C’est oublier qu’il peut dégénérer en crise quand il n’est pas géré correctement ou à temps. Compte tenu de « l’effet papillon » ou plutôt de « l’effet bourdon » du buzz, un sujet critique sur Twitter peut être relayé très rapidement dans les grands médias off line. Plus le buzz est fort et généralisé sur internet, plus la probabilité qu’il contamine les médias traditionnels est élevée.
De plus, dans les cas où les générations Y ou Z représentent le cœur de cible de la clientèle de l’entreprise ou dans les cas de sites de e-commerce, le buzz peut « virer » au rouge sans même que les médias traditionnels n’interviennent. Donc l’idée qu’un bad buzz ne devient crise que si les médias off line le relaient est une photographie du passé, la donne est en train de changer avec la digitalisation de notre société.
Et même si la polémique ne dégénère pas en crise, elle peut laisser des traces critiques sur la toile entachant la e-réputation de la marque ou de l’organisation, quand elle ne laisse pas de traces dans les mémoires de ses clients, fans,… La réputation, en particulier la net-réputation, jouant un rôle crucial dans les processus de choix des consommateurs, un buzz peut avoir des effets très critiques à terme pour une entreprise. Surtout s’il se reproduit, cela crée le terreau favorable à une crise grave en raison notamment de l’effet appel d’air du bad buzz : un nouveau buzz fait souvent ressurgir les précédents.
C’est pourquoi il est important de le gérer au mieux pour réduire les traces néfastes à la réputation, préserver le capital de confiance et de sympathie avec ses communautés et éviter que la polémique ne contamine les médias traditionnels, contribuant ainsi à générer une crise grave.
Une bonne communication, cela veut dire quoi selon vous ?
Bien communiquer implique de renoncer à l’illusion des « recettes miracle »
Il est fréquent d’entendre que les recettes, pour gérer un bad buzz, sont simples, pour ne pas dire simplissimes : il suffit d’être transparent et de s’excuser.
La réalité est un peu plus compliquée !
Tout d’abord la transparence totale est une utopie ; si le mensonge doit être proscrit, et si l’on doit tendre vers la transparence, il est risqué de la garantir à 100 %. On doit conserver un minimum de « discrétion » pour préserver l’attractivité de la marque ou de l’entreprise, d’autant que les concurrents sont à l’affût et que la réglementation ne serait-ce que financière impose certaines réserves.
En ce qui concerne les « excuses » : effectivement, si l’on a commis des erreurs, un mea culpa s’impose. Encore faut-il s’excuser rapidement et non pas sous la pression, et que les excuses soient assumées et sincères. On évitera de donner le sentiment aux internautes qu’ils n’ont pas compris le second degré, la finesse du message… On évitera aussi de dégager sa responsabilité (« c’est la faute du community manager »). Et si possible ces excuses devront être accompagnées par un langage d’acte : rétropédalage (renoncer à une initiative qui suscite le buzz), engagements à prendre des actions correctrices ou à dédommager les éventuelles « victimes ».
Ainsi le mea culpa est un exercice délicat.
De plus ce n’est pas toujours l’option la plus appropriée en particulier si l’entreprise n’a pas commis les erreurs qu’on lui reproche.
Si le traitement d’un buzz ne relève pas de la magie ou d’une science exacte, il peut s’inscrire dans une démarche méthodologique.
Voici ici une infographie : Bad Buzz, les 10 pièges à éviter :