Nadia Bahhar-Alves, Consultant Senior-Account Manager a rencontrée Alban Jarry, spécialiste en stratégies numériques, Président Délégué de l’Ecole Polytechnique d’Assurances, co-fondateur de #i4emploi.
Avant toute chose, pourriez-vous, s’il vous plait, vous présenter et expliquer rapidement votre parcours professionnel ?
En 1995, après plusieurs stages dans le Groupe Edmond de Rothschild, j’ai eu la chance d’être embauché, à la fin de mes études de MIAGE. Pendant 18 ans, ce fut une expérience extraordinaire où j’ai eu l’opportunité d’apprendre énormément. Dans une des filiales de gestion de fonds, je dirigeais les équipes informatiques, d’encadrement des projets (dont le numérique) et de reporting pour les clients. Comme pour beaucoup d’entreprises bancaires et financières, la crise a provoqué des réorganisations et nous avons subi un plan de sauvegarde de l’emploi dans le cadre de la fusion des différentes entités de gestion. Les plans sociaux sont humainement très durs à vivre, c’est souvent un véritable carnage. J’en ai profité pour saisir différentes opportunités comme faire le MGA d’HEC puis j’ai commencé à y intervenir, à publier dans les médias, intervenir en conférence, donner des cours, utiliser les réseaux sociaux et renforcer ma présence dans les associations professionnelles notamment pour participer à différents groupes de travail autour des réglementations financières et assurantielles. Ce qui m’a ensuite permis de rebondir en ne restant qu’une semaine au chômage à l’issue du plan.
Dans le Groupe Rothschild, qui a une image de marque fantastique, j’ai beaucoup observé et appris sur la communication de marque et les relations avec les médias. Michel Cicurel, l’ancien président, était un communiquant exceptionnel avec énormément de charisme et de leadership. J’en garde de nombreux souvenirs et beaucoup … d’idées. En 2013, j’ai rejoint une mutuelle pour m’occuper de la réglementation solvabilité 2 et du suivi des risques stratégiques (notamment financiers et assurantiels). Prochainement, je vais rejoindre un grand groupe d’asset management international pour participer à sa transformation numérique via un poste de Chief Digital Officer. Je suis ravi de participer à cette nouvelle aventure.
Passionné par l’univers Digital et Communication, vous êtes très impliqué dans les réseaux sociaux et leur impact sur divers sujets qu’ils soient liés à la Finance, aux Assurances ou encore à la recherche d’emploi, pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?
Une des premières choses que j’ai fait en août 2012, quand j’ai su que j’allais probablement intégrer le plan social, fut d’ouvrir un profil LinkedIn. Comme beaucoup, je n’avais pas ressenti avant le besoin de développer mon réseau externe et je me suis rendu compte que la plupart des cartes de visites que je conservais n’étaient plus à jour et que mon réseau était dormant ! LinkedIn était déjà la base la plus à jour et c’est pour cette raison que je l’ai choisi pour devenir mon CRM et réactualiser des liens avec tous ces contacts.
En effet, pour rechercher et surtout trouver un travail, il faut souvent s’appuyer sur son réseau. Encore faut-il savoir comment le réactiver ! Ce que j’ignorais totalement car n’y étais pas du tout préparé ! En publiant, des actualités dans LinkedIn, je me suis rapidement aperçu qua la visibilité était très importante, la suite n’a été qu’exponentielle. Quelques mois plus tard, sur les conseils de Pierre Edelman, j’ai créé un compte Twitter et me suis rapidement aperçu qu’il était possible d’y trouver toutes les actualités du monde professionnel, même les plus cachées. A l’époque, j’ai bâti les fondations d’une vitrine numérique et, quatre ans après, j’utilise toujours les mêmes outils qui sont de plus en plus intégrés à l’environnement professionnel.
Pour publier, j’ai utilisé également SlideShare pour diffuser les contenus des conférences dans lesquelles j’intervenais. SlideShare est l’équivalent d’un Youtube du monde professionnel, il permet de diffuser du contenu avec une viralité incroyable. Dès que j’ai retrouvé un emploi, j’ai commencé à expliquer les méthodes que j’avais utilises pour accélérer cette transition et commencé à aider des personnes en recherche d’emploi. Cela a abouti en 2015 à la création de #i4emploi dont le but était de tenter de sauver les emplois d’une usine en Corrèze. La force virale des réseaux sociaux est impressionnante pour aider des personnes en difficulté, surtout quand des communautés bienveillantes se regroupent autour d’une cause. Twitter facilite énormément les modes collaboratifs. Beaucoup d’entreprises devraient s’inspirer de son mode de fonctionnement dans le cadre de leur transformation numérique.
Comment tout a commencé ?
Complètement par hasard ! Un proverbe dit que « Si tu transformes tes erreurs en leçons et tes peurs en courage, alors tout est réalisable ». L’erreur c’était de ne pas avoir de réseau actif, la peur était de s’exposer. Je n’avais pas du tout prévu d’utiliser LinkedIn pour y diffuser des actualités ni d’y être vu de cette façon. Pourtant, en recherchant un emploi, c’est le moyen le plus simple de montrer ses compétences et d’être visible vis-à-vis des recruteurs ! Pour les publications, présidant plusieurs groupes de travail en associations professionnelles, j’ai eu la chance de pouvoir proposer des tribunes aux Echos et qu’elles soient publiées. La marque Les Echos est extraordinaire.
Dans une stratégie numérique, il est primordial de commencer par bâtir des fondations solides, puis de développer sa présence par paliers. Il faut y aller étape par étape.
La publication de vos livres blancs sur les réseaux sociaux et votre mode opératoire de partage d’informations et de données font partie de vos engagements et valeurs personnelles vis-à-vis de la communauté numérique, pourquoi ? En effet, vous pourriez publier vos écrits via une maison d’édition et en tirer tout bénéfice (financier et notoriété) mais ce n’est pas le cas.
Les réseaux sociaux sont avant tout une aventure humaine et collective. L’interaction se fait avec d’autres personnes et il ne faut jamais l’oublier. Lorsque je fais ces livres blancs, ce que je trouve intéressant c’est la pluralité des opinions et la découverte d’utilisations différentes et complémentaires. Sur les réseaux, il ne faut pas rester dans son confort avec des réseaux étriqués et repliés sur son compte. L’article de la Harvard Business Review sur les réseaux et la technique de Paul Revere pour propager un signal m’a profondément marqué. Dans cet univers, seul, on n’existe pas.
Pour le partage des informations, il faut partir du principe que dès lors qu’un contenu a été projeté alors il devient public. Pourquoi le jeter alors à la poubelle et qu’il ne serve plus ? Via SlideShare, il peut peut-être intéresser des personnes qui n’ont pas pu assister à la conférence. Beaucoup d’amis m’ont fait la remarque qu’ainsi j’allais me faire piller mes idées. Je pense que cela n’a aucune importance car ce n’est pas en enfermant ses idées qu’il est possible d’avancer. Au contraire, si cela peut servir à des personnes qui en ont besoin alors c’est utile.
Pour les livres blancs, je tiens d’abord à remercier Charlotte Binche qui m’a beaucoup appris pour faciliter la diffusion du premier, notamment en faisant des communiqués de presse. Pour le contenu le choix a toujours été de mixer entre des contenus que j’avais écris et des contributions venant d’autres personnes, cela rend ces ensembles beaucoup plus intéressants. Dans le dernier, volontairement, j’ai laissé l’aléatoire opérer en ne sélectionnant pas les participants. Les résultats sont au-delà de tout ce que je pouvais imaginer car non seulement les textes sont très bons, avec plein de trucs et astuces, mais surtout cela a provoqué la naissance d’une communauté sur Twitter composée de beaucoup de personnes qui ne se connaissaient pas. Depuis des liens d’amitiés se sont tissés dans la vraie vie entre tous. Le monde numérique n’a pas fini de nous enrichir les uns et les autres.
Dès lors que ces contenus ont été écrits à plusieurs mains, il était évident qu’ils seraient accessibles librement et gratuitement. C’est avant tout cette histoire collective, que nous écrivons tous ensemble, qui m’intéresse et surtout de ne pas savoir où cela va nous mener.
Pourriez-vous, nous décrypter votre dernier Livre Blanc « 612 Rencontres sur les Réseaux Sociaux » et qui date du mois de septembre 2016 ? Qui sont les 612 Rencontres et comment et pourquoi avoir fait cette étude sur la pratique des réseaux sociaux ?
Après les 3 premiers livres blancs, qui étudiaient l’utilisation de Twitter et Linkedin, je voulais élargir le spectre et m’appuyer sur des données chiffrées pour tenter de comprendre l’évolution de leurs usages. Le livre blanc a donc été réalisé en deux étapes et se scinde en deux volumes. A la fin du questionnaire, qui a finalement regroupé 612 réponses, j’ai proposé à ceux qui le souhaitaient de participer à la deuxième partie par des textes. Finalement, il y a eu plus de 70 retours et la naissance d’une communauté imprévue.
Dans ce 4ème livre blanc, l’objectif était de découvrir des avis de personnes que je ne connaissais pas forcément et d’explorer ainsi ce réseau de manière différente. Si Paul Revere était resté cantonné à la technique de William Dawes, il n’aurait jamais pu prévenir autant de monde. Les réseaux sociaux sont infinis et l’objectif est aussi de les transformer en des relations beaucoup plus fortes. Ces livres blancs sont un moyen de découvrir autrement des personnes extraordinaires. J’ai été très touché de voir que la mayonnaise avait pris et que la suite de l’aventure, dans la face cachée de Twitter, où nous communiquons tous ensemble était une aventure humaine encore plus extraordinaire. Un jour cela vaudra peut-être le coup de raconter cela … dans un vrai livre.
Vous publiez régulièrement des tribunes, conseils, sur l’actualité en lien avec la transformation numérique et digitale de notre société. Pour vous quelle est la clé de voûte permettant aussi bien aux individus qu’aux entreprises de réussir cette transformation ?
Soigner leur vitrine numérique ! Avec les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, … tout se voit et s’entend.
L’indexation est permanente et les mémoires virtuelles sont éternelles. Dans cet univers, tout le monde a le choix d’être acteur ou non de l’image qu’il propose.
Plusieurs études montrent que les twittos sont généralement plus innovants que le reste de la population professionnelle. Ce n’est pas un hasard car sur Twitter nous sommes baignés en permanence par les idées innovantes. Nous nous en imprégnons même inconsciemment. Ensuite, comme dans toute bonne recette, il suffit souvent de modifier quelques ingrédients pour créer un plat original. Je crois en cette intelligence collective qui ne cesse de se développer et de donner des idées. Dans l’entreprise, le système est similaire à mettre en place car c’est dans des modes collaboratifs que surgissent les meilleures idées. Même face à l’intelligence artificielle, l’humain a encore de beaux jours devant lui.
On vous reconnait comme étant un influenceur numérique et cette influence est d’autant plus reconnue car vous venez d’intégrer le Top 15, à la 7eplace, des LinkedIn Top Voices en lien avec vos publications régulières. Cette distinction vous identifie comme l’un des Français les plus influents sur ce réseau social professionnel. Pourriez-vous, nous en parler ?
Ces classements sont éphémères. Il ne faut pas leur accorder trop d’importance car ils sont vite oubliés. Je suis toujours surpris d’y figurer. Cela illustre probablement le fait qu’en partageant du contenu, qu’en le mettant dans la sphère publique, alors il est possible d’avoir un lectorat fidèle. Je suis extrêmement étonné de figurer dans des classements d’auteurs car j’ai commencé à écrire mon premier texte il y a seulement quatre ans. Je suis un junior de l’écriture et dans les souvenirs de ma scolarité je n’ai pas le souvenir d’avoir été particulièrement brillant en rédaction, bien au contraire !
Dans cette économie du gratuit des contributions, nous sommes de plus en plus sollicités. Les sites recherchent tout le temps du contenu. En publiant, je crois qu’il est possible de ressentir cette force des communautés qui poussent chacun d’entre nous à avancer plus loin et à imaginer de nouvelles idées. Se fixer des limites est probablement le meilleur moyen de ne jamais les atteindre, de ne jamais oser les franchir ! Ces réseaux ouvrent des perspectives très vastes et, pour le moment, nous sommes très loin d’en avoir fait le tour et d’imaginer qu’ils ont des limites.
Vous êtes également très engagé dans le Collectif I4Emploi, collectif solidaire et d’entraide aux utilisateurs de Twitter pour rechercher un emploi. Pourriez-vous nous en dire quelques mots et nous expliquer comment cette idée de partage et d’entre-aide a-t-elle émergée ?
Au départ, j’avais été contacté par un ex-député européen qui souhaitait que je l’aide à sauver une trentaine de poste dans une usine qui allait être liquidée. Un proverbe dit que « Seul on ne peut rien, ensemble on peut tout ! » C’est exactement ce qui s’est passé. En quelques heures, après avoir contacté des amis twittos (la communauté du FlashTweet), nous avons pensé à une quinzaine qu’il était possible de tenter l’impossible.
Après le sauvetage de l’usine, le collectif s’est transformé pour offrir des RT à des personnes en recherche d’emploi qui avaient besoin de plus de visibilité pour montrer leurs compétences à des recruteurs. Nous sommes des bénévoles altruistes qui mettons à disposition nos réseaux pour aider celles et ceux qui nous le demandent. Cette action montre que, sur les réseaux sociaux, il est possible d’être solidaires et des citoyens engagés dans des actions sociales qui ont de la valeur. Très vite les réseaux virtuels permettent de dresser des ponts avec la vraie vie.
Etre résilient ou un ovni permet-il aujourd’hui d’émerger sur les réseaux sociaux ? Pourriez-vous nous expliquer pourquoi et comment ?
La résilience est quelque chose qui se découvre par hasard et qui est le fruit d’épreuves traversées dans la vraie vie. Souvent, elle entraine un rebond plus fort et un résultat totalement imprévu. Je pense que la première fois que j’y ai été confronté fut lorsque j’ai redoublé ma première S. Afin de conserver mes notes de français, où j’avais quelques points d’avance, j’ai souhaité présenter un bac B en candidat libre à la fin de ma deuxième première S. Ayant eu ce bac, je me suis finalement inscrit en fac et n’ai jamais fait de terminale. Dans le cadre du plan social, dont nous avons parlé tout à l’heure, cet effet de résilience a aussi joué pleinement avec cette volonté de rebondir dans un autre secteur et pour faire un autre métier. Je suis persuadé qu’en se donnant les moyens alors il est possible de faire beaucoup de choses. Qu’il est possible d’aller plus loin que prévu. Souvent il suffit simplement d’oser.
Ce terme d’ovni est étonnant et amusant. Dans le groupe des contributeurs du livre blanc 612 rencontres, nous utilisons régulièrement ce terme pour nous définir. Dans le monde de l’entreprise en France, être présent sur les réseaux sociaux, et surtout comprendre un peu comment ils marchent, provoquent le placement quasi immédiat dans une case un peu spéciale où nous semblons étranges. Tout le monde n’a pas encore franchi le cap de l’innovation permanente et ne voit pas le besoin de s’adapter aux nouvelles technologies. C’est en les découvrant qu’il est possible d’y progresser tous ensemble, d’apprendre à mieux les utiliser, d’y faire des erreurs et de s’y corriger. En proportion de tous les professionnels, nous sommes très peu être vraiment actifs dans la sphère numérique. Du coup, beaucoup passent, un peu, pour des ovnis. L’avantage du numérique c’est que le retard peu se combler très vite et d’exceptions, nous pourrons très rapidement être vus comme des membres d’une communauté beaucoup plus large et tout à fait « normale » avec l’avantage d’avoir anticipé un peu le mouvement.