Buzz Carambar : un joli coup marketing qui soulève des questions sur les métiers des RP
Carambar a lancé une opération marketing qui a beaucoup fait couler d’encre ces derniers jours. En utilisant le levier des relations presse pour « créer le buzz », la marque a fait les gros titres de nombreux médias. Une opération marketing très réussie donc, qui soulève tout de même quelques questions sur les relations entre communicants et journalistes.
L’affaire du « Buzz Carambar » remonte au 21 mars dernier, alors qu’un communiqué de presse de la marque de confiseries est reçu et relayé par des centaines de rédactions. Le document explique que Carambar souhaite arrêter de mettre des blagues à l’intérieur de l’emballage de ses bonbons, pour les remplacer par des quizz éducatifs et autre conseils en grammaire et en conjugaison.
Le sujet est immédiatement repris par de très nombreux médias, bien souvent sur un ton sérieux. Rien d’étonnant à cela, puisque le communiqué ne donnait aucun « indice » quant à l’aspect humoristique de cette nouvelle.
Une semaine après que l’information a circulé sur des dizaines (centaines ?) de supports, un deuxième communiqué est envoyé par Carambar, qui annonce que « C’était une blague ! ». Et les journaux de relayer cette nouvelle, presque par obligation, comme un erratum.
Un coup marketing réussi, qui devrait rester isolé
On ne peut pas nier que d’un point de vue marketing, l’opération est un beau succès. Les plus grands quotidiens nationaux et les JT de 20 heures des plus grandes chaînes y sont allés de leur petit commentaire sur l’événement Carambar.
Du côté du public, les réactions ont été mitigées. Certains ont crié au génie, d’autres ont applaudi l’initiative sympathique, d’autres encore y sont restés insensibles… Mais il y a aussi une frange de la population qui s’est sentie trompée et a choisi de montrer les journalistes du doigt. Manque de discernement, crédulité voire bêtise, mais surtout mauvais travail de vérification de l’info : pour certains, la faute revient avant tout à ceux qui ont « gobé le mensonge ».
Du point de vue des communicants et des journalistes, le problème soulevé est celui de la vérification : comment s’assurer de l’honnêteté d’une marque lorsque celle-ci dévoile un « scoop », qui n’est par définition pas vérifiable ?
La réponse, vue par l’attachée presse que je suis, est somme toute assez simple : si les journalistes sont « tombés dans le panneau », c’est parce que depuis des années, les professionnels des RP s’attachent à entretenir un climat de confiance et de respect mutuel avec les journalistes. Parce que les relations presse sont un métier difficile qui nécessite un vrai savoir-faire, parce que dans « relations presse » il y a le mot « relations », et parce que tout bon attaché presse sait pertinemment qu’un journaliste n’est pas une marionnette qu’il faut manipuler pour faire relayer une information, aussi importante soit-elle.
Et pour les professionnels des RP, quel impact ?
Le coup a été dur pour les journalistes, forcés d’admettre, sous le feu des critiques, qu’ils ont été trompés. Carambar n’est qu’un cas isolé qui, à lui seul, n’aura pas un impact massif sur les relations entre communicants et journalistes. Mais il soulève une question importante : que pourrait-il se passer si ce genre d’initiatives se multipliait à l’avenir ?
Au-delà de l’effet « buzz », réussi ou non, c’est la relation de confiance entre attachés presse et journalistes qui serait alors en jeu. Combien de communiqués « légitimes » pourraient tomber aux oubliettes parce que les journalistes préféreront taire une information qui n’est pas vérifiable ? Combien d’attachés presse consciencieux, appliqués et professionnels pourraient devoir rétablir la confiance entre communicants et journalistes, qui avait déjà tendance à s’étioler depuis plusieurs années ?
La construction de l’information en France
Ce que nous savons, en qualité de communicants, mais que le public ne sait pas, c’est qu’une partie non négligeable de ce qu’on appelle « l’information en France » démarre d’un communiqué de presse.
Si les opérations comme celle de Carambar se démultipliaient, elles pourraient à la longue décrédibiliser la participation des organisations à la construction de l’information, et mettre le grand public sur la mauvaise voie en l’incitant à pointer du doigt le « travail bâclé » des journalistes… qui auraient alors raison de devenir plus méfiants. Et c’est aussi (surtout ?) le travail des professionnels des RP qui s’en trouverait impacté, à plus ou moins grande échelle.
Bien sûr, il est impossible d’anticiper l’évolution à moyen et long terme des relations entre communicants et journalistes. Mais si le buzz Carambar inspire des dizaines d’autres marques et que les « tromperies marketing » se multiplient, on peut craindre que les dégâts soient conséquents.
Et pour finir sur une note positive, cette affaire aura au moins eu le mérite de rappeler une chose essentielle que tout professionnel des RP doit toujours garder en tête : les journalistes ne sont pas des marionnettes à qui l’on ment pour arriver à ses fins. Chargés de communication, attachés de presse : vous êtes aussi responsables des informations que vous diffusez !
@culturerp trop fort ! joli coup !!!! j’avoue aussi y avoir cru en lisant la presse !
— Magali Baron (@MagaliBaron1) 29 mars 2013
Maryne Cervero, attachée de presse au sein de l’agence LOVENLY