Dans le cadre de l’évolution constante de nos métiers et pour faire face aux attentes grandissantes de nos lecteurs en matière d’information, Culture RP ouvre un nouvel espace dédié au market intelligence. Pour ce faire nous avons rencontré Théo Péroz, diplômé d’HEC Montréal et d’Intelligence Économique. Il a créé et développe le Pôle Market Intelligence de l’Argus de la presse.
Plus de 20 ans après sa création, les contours de l’Intelligence Economique font encore débat au sein de la communauté professionnelle. En témoigne une initiative appelant chacun à donner sa définition au format twitter : « L’intelligence économique en 140 caractères, c’est quoi pour vous ? ».
La définition donnée par Henri Martre, père fondateur de l’Intelligence Economique, reste la plus partagée :
« Ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution de l’information utile aux acteurs économiques, obtenue légalement, dans les meilleures conditions de délais et de coûts. »
Mais la difficulté d’une définition consensuelle provient d’abord d’un mélange des genres, l’Intelligence Economique étant à la fois une politique et une pratique. A cet effet, le praticien et chercheur Francis Beau distingue la politique publique de ses prolongements privés (Intelligence Economique et Renseignemnent d’entreprise).
Certes, les deux versants se réfèrent aux mêmes fondamentaux : Protection du patrimoine matériel & immatériel, surveillance & analyse de l’écosystème, développement de la sphère d’influence.
Néanmoins, Etat & Entreprises ne partagent pas le même terrain de jeu ni les mêmes objectifs. Au sein d’une organisation, l’Intelligence Economique est une fonction stratégique visant la compétitivité de l’entreprise sur ses marchés, tandis que La politique publique a pour finalité la sécurité économique du territoire. Une divergence d’enjeux et donc, de méthodologie et de moyens.
Selon l’auteur, une dissociation d’appellation clarifierait cette confusion. Dans les faits, cette recommandation est déjà bien installée. Tournés vers les marchés mondiaux, les départements d’Intelligence Economique empruntent des noms majoritairement anglophones et ont pour dénominateur commun “Intelligence”, “Business” ou “Market”.
A titre d’exemples :
> Axa : Business Market Intelligence
> Deloitte : Research Business Center
> Ubisoft : Consumer & market intelligence
> Orange Business Services : Market Intelligence
Tout aussi facteur de débats, le terrain de jeu sur lequel évolue l’Intelligence Economique est en constante évolution depuis son émergence en 1994.
D’abord les années 1990, décennie pivot où se sont amorcées de profondes mutations. La chute du mur déplace les rapports de force d’un paradigme de guerre militaire à celui de guerre économique. Point commun fondamental à ces 2 sphères de puissance, l’avantage est à celui qui détient et exploite l’information décisive. La pratique naissante de l’Intelligence Economique emprunte alors largement aux fondamentaux méthodologiques du renseignement militaire. Le terrain est glissant, la compréhension du concept dans l’imaginaire collectif sera durablement synonyme d’espionnage et de pratiques déloyales. Déontologie de la pratique et légalité d’acquisition des informations deviennent des aspects oubliés du grand public. Pour le développement de la discipline, la confusion est gênante.
Avec l’essor des technologies de l’information, les années 2000 transforment définitivement cet espace d’intelligence en des terrains d’enjeux. La généralisation du web et des réseaux sociaux engendrent une croissance exponentielle de la production d’informations.
Dans son article “Données le Vertige”, Libération titre “L’humanité produit autant d’informations en deux jours qu’elle ne l’a fait en deux millions d’années. L’avenir appartient à ceux qui sauront utiliser cette profusion”. L’ère de la Data a commencé.
L’abondance informationnelle rend la tâche complexe:
la valeur de l’Intelligence Economique réside plus que jamais dans la détection et le discernement des informations stratégiques.
Néanmoins, la création de valeur se déplace sur le terrain de l’exploitation et de la transformation de la masse de données en intelligence et en connaissance.
Donner du sens à la donnée. Le défi est porté au sein même des origines latines de l’intelligence qui suggère la capacité à faire du lien. La Data science est cette nouvelle discipline “chargée de transformer le Big Data en réalité concrète et surtout, en opportunité business” (La Data Science, nouvel avantage compétitif pour l’entreprise 3.0 ?).
Assis sur ces nouveaux gisements informationnels, l’Intelligence Economique – en tant que politique et en tant que pratique – est au cœur de cette dynamique. Tout l’enjeu pour ses praticiens sera d’en tirer parti.