« Je ne suis pas là pour amplifier le marketing « bullshit » ou copier/coller des tribunes sans saveur. » – Olivier Cimelière –
Influence Insider : une interview mensuelle pour mieux comprendre le quotidien, l’avis, les envies et les attentes des influenceurs.
Aujourd’hui à travers cette série, nous vous proposons de découvrir Olivier Cimelière, ancien journaliste, influenceur, auteur et expert dans le domaine de la communication, Olivier nous donne sa vision de l’influence et donne des conseils précieux aux marques.
Bonjour Olivier,
Bienvenue sur Culture RP !
On va commencer par ton humeur du jour ?
Perplexe ! On n’a jamais autant parlé de digital et de médias sociaux qu’actuellement. Les usages et les exigences des internautes ne cessent de croître. Et paradoxalement, les stratégies de communication des marques et des entreprises demeurent encore empreintes d’une certaine pusillanimité. Excepté quelques cas notables qui ont pleinement intégré que le Web social est dorénavant affaire de relation et de conservation et non plus d’incantation et d’affirmation, beaucoup restent au stade de la boîte à outils ou de la grosse opération « one shot ». En oubliant que digitaliser la communication, c’est aussi et surtout intégrer une culture et des codes digitaux, changer de paradigmes et arrêter de fonctionner sur les schémas éculés des années 2000. C’est un aspect essentiel. Rien ne sert de bâtir des dispositifs digitaux si l’on n’acquiert pas l’état d’esprit correspondant. Les communautés en ligne entendent participer, commenter et ne pas se contenter de contenus purement cosmétiques et autocentrés.
Tu es aujourd’hui un influenceur reconnu dans l’univers de la communication, comment en es–tu arrivé là ?
A vrai dire, un peu par hasard. Comme je suis littéraire et journaliste de formation, j’ai toujours aimé écrire, rendre compte de mes observations et partager des analyses. Ensuite, je suis passionné depuis longtemps par les nouvelles technologies numériques. En plus, j’ai la chance d’avoir un frère qui évolue dans ce secteur et avec lequel j’ai l’occasion d’échanger régulièrement. Aujourd’hui, il travaille dans la réalité virtuelle aux USA. Pour le communicant que je suis, c’est un canal que j’observe de très près car il aura des impacts dans un proche futur. Ensuite, j’ai un long parcours de dircom dans de grandes entreprises de divers secteurs d’activité. Ce qui m’a donné l’opportunité de me confronter à de multiples problématiques et de me forger une expérience globale assez complète. Du coup, j’ai eu l’idée en mai 2010 d’ouvrir un blog sur la transformation digitale de la communication, de l’information et de la réputation. A l’époque, il y avait de surcroît peu de blogs spécialisés sur le sujet alors que le métier de communicant commençait déjà à ressentir les premiers impacts du changement de ses pratiques professionnelles. Comme je ressentais l’envie de m’exprimer et de rencontrer des pairs, le blog a grandi ! (Le Blog du Communicant)
Pour toi être un influenceur c’est : Un hobby ? Une opportunité ? Un métier ? Autre chose ?
Je vais peut-être vous surprendre mais j’ai un peu de mal avec ce statut d’influenceur qu’on accole aujourd’hui à tout propos et pas toujours de façon pertinente. Je n’ai pas le sentiment d’avoir une influence qui chamboule tout. Je suis surtout une voix qui a envie de dire ouvertement, de porter des convictions, de susciter des réflexions parmi ses pairs. J’ai la chance de savoir de quoi je parle car j’ai exercé sur le terrain et auprès de grands dirigeants pendant de longues années. Je ne suis pas un théoricien de la com ! Mais le métier de communicant évolue au fil du temps d’abord grâce à des professionnels qui osent bouger les lignes dans les structures où ils évoluent, qui parviennent à convaincre qu’il faut s’affranchir des vieilles recettes ou alors arrêter de se focaliser uniquement sur les outils. C’est d’ailleurs pour cela que j’interviewe régulièrement des dircoms qui avancent avec cette vision stratégique. Autrement dit, être influenceur, c’est être capable de repérer des bonnes pratiques, de discerner des tendances et d’esquisser des évolutions potentielles pour sensibiliser plus largement la communauté des communicants. Ce n’est pas forcément afficher des tonnes d’abonnés sur ses profils sociaux ou de faire du « mass follow » pour s’arroger une pseudo-importance ou satisfaire son ego.
A quoi te sert ton influence ?
C’est contribuer à l’évolution de mon métier, de faire comprendre que la communication ne se résume pas juste à des gesticulations oratoires, des obsessions de contrôler tout ce qui se dit envers une marque ou une entreprise ou de jouer au spin doctor. Ces pratiques qui existent encore ont conféré à la profession, une réputation mortifère, tenace et plutôt injuste pour la grande majorité. A tel point que des figures du journalisme comme Edwy Plenel ou Elise Lucet font leur beurre éditorial en qualifiant les communicants de « poisons de la démocratie ». Carrément ! Notre rôle est bien plus subtil et bien moins noir. Surtout à une époque où la prise de parole n’est plus monolithique et restreinte à quelques figures statutaires. Un communicant doit véritablement être une vigie de l’écosystème de son organisation capable autant de détecter les signaux faibles de crise que de saisir des opportunités de conversation avec ses publics. Il est à la fois un aiguillon et un connecteur. C’est vraiment le sens que je souhaite conférer à mon « influence » pour encourager le changement et combattre les préjugés que malheureusement d’aucuns entretiennent encore par leurs pratiques et qui ont « l’art » d’exciter et nourrir le clivage journaliste/communicant.
En tant que consultant, communicant, blogueur… concrètement, c’est quoi ton quotidien ? As-tu une routine ?
Il n’y a pas vraiment une journée qui ressemble à une autre. Ce qui est récurrent en revanche, c’est la veille quotidienne que je fais sur les grands sujets de fond de la communication à travers la lecture des médias francophones et anglophones et la curation de contenus que je trouve référents. Ponctuellement, il m’arrive aussi de mettre sous « surveillance » un sujet particulier car je subodore un cas d’étude qui va faire parler de lui. Comme par exemple le scandale de Facebook et Cambridge Analytica qui illustre très bien la prise de conscience de l’opinion publique au sujet des données persos et des exigences plus fortes sur leur usage par les marques et les entreprises. Ensuite, je lis quelques ouvrages spécialisés, je dévore l’actualité (je suis un ancien journaliste, on ne se refait pas !), je vais à quelques conférences et je prends le temps de rencontrer (ou lire) d’autres acteurs de la communication.
A ton avis : quelles sont les bonnes pratiques pour être un influenceur ? Au contraire : que faut-il ne surtout pas faire ?
L’honnêteté intellectuelle et l’ouverture d’esprit sont à mes yeux les qualités essentielles. De même, il est conseillé d’avoir une certaine humilité par rapport à ce que l’on publie et ne pas se croire omniscient et incontournable. Il y a des sujets sur lesquels je refuse de m’exprimer car je ne connais pas suffisamment bien le fond du sujet. Enfin, je garde en permanence en tête le fait que je peux me tromper. Un influenceur n’est pas infaillible.
En revanche, l’achat de faux fans, le mass-following, le buzz à tout prix sont des pratiques à proscrire. Les lecteurs sont de moins en moins dupes de cette influence factice même si elle continue à impressionner certains interlocuteurs. Un autre point important est de savoir intervenir à bon escient et pas courir sans cesse les plateaux TV et les micros radio et bombarder à tout va sur les réseaux sociaux. Sur ce point, les journalistes ont une part de responsabilité. Ils cherchent souvent le « bon client » qui aura une opinion tranchée sur tout. Pour un influenceur, jouer ce jeu-là est le meilleur moyen de commettre un jour une grosse boulette à force de pérorer et également de lasser le public.
Qu’attends-tu des marques qui souhaitent travailler avec toi ?
Qu’elles m’apportent des informations utiles, pertinentes et ciblées sur les thématiques que je traite régulièrement sur mon blog. Du moment qu’il y a le mot « digital » dans une communiqué et du fait que je suis référencé dans certaines bases de données, je reçois quantité abusive de courriels dont je n’ai que faire (sans parler de messages vocaux à rallonge sur mon mobile, ce qui m’horripile !). Je suis sidéré par ce manque flagrant de ciblage émanant de beaucoup d’agences de communication. Aujourd’hui, il existe pourtant des outils efficaces pour segmenter et profiler intelligemment. Or, j’ai la nette impression que rien n’a évolué par rapport à la période où j’étais journaliste et où on m’envoyait absolument tout et n’importe quoi.
Autre point : que certaines marques et leurs agences cessent de me voir comme relais publicitaire. Si je choisis de parler d’une société, d’interviewer un dirigeant, c’est parce qu’il a une vision claire de son métier et de ses enjeux. Je ne suis pas là pour amplifier le marketing « bullshit » ou copier/coller des tribunes sans saveur. Je sais encore discerner ce qui relève de la valeur ajoutée de ce qui est du blabla commercial.
Que peux-tu leur apporter ?
En tant que blogueur, je peux leur apporter du contenu qui ne transige pas avec la ligne éditoriale que je me suis fixée. Si j’évoque l’initiative d’une marque ou d’une entreprise, c’est parce que je l’estime valable, concrète et intéressante pour le reste de la communauté. Si ces critères ne sont pas rassemblés, je ne publie rien. Notamment pour les livres. Il y a certes ceux que je n’ai pas eu encore le temps de lire (c’est le cas en ce moment !) mais il y a aussi ceux qui sont à la limite de l’escroquerie intellectuelle ou de l’enfilage d’idées reçues. Plutôt que démonter, je préfère passer sous silence.
Que reproches-tu aux marques le plus souvent ?
Ce que je viens juste d’évoquer dans une question précédente : cette absence de ciblage. Chaque jour, je supprime d’emblée environ 50 à 60 emails totalement à côté de la plaque. Sans compter ceux que j’ai bloqués via mon filtre antispam. C’est pénible car c’est une perte de temps pour tout le monde au final. Ensuite, cette persistance à voir dans un blogueur, un panneau publicitaire en puissance. C’est sûrement plus vrai sur Instagram et YouTube où beaucoup d’acteurs cherchent à monnayer leur influence. Mon blog est un juste un laboratoire d’idées, de tendances et de cas d’étude. Si une marque a vraiment des choses intéressantes à raconter, je suis potentiellement preneur mais la promesse doit être à la hauteur de la réalité !
C’est quoi ton actualité ou tes projets du moment ?
J’ai plusieurs missions de conseil sur des sujets sensibles ainsi que de la création de contenus éditoriaux pour nourrir les espaces digitaux de mes clients. Néanmoins, je suis en pleine interrogation. La vie d’indépendant conduit à un certain assèchement intellectuel et humain que je n’ai pas connu lors de mes années dircom. Je cogite sur la suite à donner à mes activités. De même pour mon blog ! J’ai parfois l’impression d’avoir fait le tour de la question et surtout de répéter des trucs déjà écrits quelques années plus tôt. Je n’ai pas envie de finir en dinosaure un peu aigri de la blogosphère ! J’ai encore de l’énergie et des idées. Peut-être est-il temps de le mettre au service d’un autre défi ? L’avenir le dira.
Un petit message à faire passer à nos lecteurs de Culture RP ?
Sachez prendre du recul face aux effets de mode et aux solutions technologiques miracle. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’intelligence artificielle. C’est en effet un vrai bouleversement qui se produit et qui remodèlera le métier de communicant. Pour autant, il ne faut pas tomber dans la technophilie béate que certains acteurs vendent à tout va. L’AI si puissante soit-elle est encore loin de remplacer le cerveau humain quand il s’agit de saisir des contextes idiomatiques ou des sentiments qui varient d’une culture à une autre. C’est comme avec l’engouement pour les chatbots. Bien peu parviennent à être autre chose que des gadgets marketing peu élaborés et au final agaçants pour l’expérience utilisateur. En d’autres termes, lisez plusieurs sources pour prendre un peu de hauteur et prendre vos décisions de manière affûtée ou conseiller finement vos dirigeants.
Merci Olivier pour tes réponses ! Tu seras toujours bienvenu sur ce blog.
Olivier est beaucoup trop humble pour le dire alors je le fais pour lui : si vous avez des besoins en communication, des pratiques à faire évoluer, des formations à initier auprès de vos équipes : Olivier sera l’homme de la situation ! Parole de Culture RP 😉
Cyndie Bettant
PS : vous souhaitez en savoir plus sur Olivier : inscrivez-vous au webinar : quelle stratégie média pour devenir une marque influente et appréciée, le 29 Juin prochain à 11h.