Culture RP a rencontré Fabienne de La Chauvinière, Consultante en Communication et Responsabilité Sociétale ; Enseignement en Mastères – Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines (M1. Politiques de Communication) et ISCPA Institut Supérieur des Médias (Cycle mastère professionnel communication en stratégies et développement).
On constate une réelle prise de conscience sur les questions de la responsabilité sociétale, il existe même une norme ISO sur ce sujet, mais les entreprises françaises jouent-elles vraiment le jeu ?
En effet, tous les acteurs de la société (politiques, ong, grand public, salariés et entreprises)prennent conscience des enjeux de la responsabilité sociétale. Aujourd’hui, les organisations doivent produire un bien ou un service répondant aux nouvelles attentes des parties prenantes de l’organisation. Il s’agit donc d’inscrire les dimensions environnementales (i.e. : contrôler les émissions de GES), sociétales (i.e : promouvoir la diversité) et économiques (i.e. : assurer une transparence de la gouvernance) au sein même du projet de l’organisation. La norme ISO est une norme de management internationale sur la mise en place d’une politique de responsabilité sociétale.
Elle n’est pas certifiante ; ce sont des lignes directrices, un guide, décrivant toutes les étapes de la démarche et ce, pour toutes les organisations, entreprises internationales, PME, collectivités, fondations, sociétés de gestion,…
En France, depuis les lois NRE de 2001 les sociétés cotées ont l’obligation de communiquer sur un certain nombre d’indicateurs extra-financiers. Mais, en raison de l’émergence du concept, du manque de pédagogie et de l’absence de contrôle de la bonne application de la loi, celle-ci n’a pas eu les effets escomptés. Peu d’entreprises ont développé une politique de responsabilité sociétale réelle et globale, porteuse de sens et parmi celles-ci, certaines en ont abusé en verdissant simplement leur communication.Depuis le Grenelle II, établissements publics, sociétés cotées et non cotées (sous réserve d’un certain seuil de CA et d’effectifs) ont l’obligation de publier un rapport annuel sur leur politique extra-financière et de le faire vérifier par un organisme tiers indépendant agréé par le COFRAC (Comité Français d’accréditation). Ceci devrait inciter les entreprises françaises à adopter ce nouveau business model en respectant plus sérieusement la loi.
Sur la scène internationale, la France est-elle en avance ou en retard ?
La France est pionnière. C’est un des tout premiers pays à conduire le changement au niveau national et international.
Participant aux conférences et sommets internationaux sur le développement durable et la responsabilité sociétale, la France contribue à la rédaction des référentiels internationaux dont relève la responsabilité sociétale : les Conventions de l’ONU, l’OIT, l’OCDE, les standards de mise en œuvre tels que le Pacte Mondial et l’ISO 26 000.
Aussi, au niveau national, l’Etat instaure un cadre règlementaire se renforçant ( lois NRE en 2001 pour les sociétés cotées, le bilan carbone obligatoire pour les acteurs privés et publics depuis 2012, une communication obligatoire et contrôlée sur la politique extra-financière des établissements publics, sociétés cotées ou non, sociétés de gestion de portefeuille depuis le Grenelle 2) et favorise une dynamique multi-acteurs : création d’organismes d’études de contrôles dédiés (l’Ademe : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, Novethic : un centre de recherche, Vigéo : une des premières agences de notation extra-financière,..), d’évènements (la semaine du développement durable, la journée de la biodiversité,…), de prix (« Entreprises et Environnements »),…
Que peut apporter la RSE à la communication interne et externe ?
La RSE, ou RSO (depuis la norme ISO 26000, nous devrions parler de responsabilité sociétale des organisations), est liante et fédératrice. Un des apports du nouveau paradigme est de proposer à l’organisation d’être à l’écoute de ses parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs, état, actionnaires, collectivités locales,…) par la mise en place d’un dialogue afin de prendre en compte leurs grilles de lecture dans le projet de l’organisation (de la création, la production à la distribution du bien ou service). Elle fédère les publics externes et internes de l’organisation car transversale elle couvre aussi bien des thématiques sociales, environnementales qu’économiques. Elle implique l’ensemble des départements : achats, marketing, recherche, ressources humaines,…, et tous les établissements de l’organisation. La RSE, liant ainsi les grandes thématiques de communication de l’organisation, est porteuse de sens.
Est-ce qu’aujourd’hui la RSE est davantage intégrée dans les stratégies de communication des entreprises ?
Depuis les derniers dispositifs législatifs (art.224, art.225 et art. 255 du Grenelle II) , la RSE se développe au sein des organisations privées et publics, dans des sociétés de gestion d’actifs. Néanmoins, par manque de moyens humains et de prise de conscience des effets vertueux de la RSE, elle reste globalement encore embryonnaire ou partiellement appliquée. Une politique deresponsabilité sociétale doit être inscrite dans l’ADN de l’organisation, elle doit être globale et faire l’objet d’un consensus de ses parties prenantes, d’une intégration multi-départements. Et la communication RSE doit être totalement intégrée à sa communication corporate, interne et externe, par tous les moyens de communication online et offline.
Pouvez vous nous citer des exemples d’entreprises ou organisations, qui ont intégré avec succès la RSE à leur stratégie de communication ?
Après quelques années d’hésitation, les sociétés cotées,ayant en principe au moins douze ans d’expérimentation, intègrent plus sérieusement la RSE à leur stratégie et valorisent cette politique de manière transparente. Ainsi, la plupart des sociétés cotées selon une étude (baromètre RSE 2012) menée par le cabinet Mazars avaient ainsi anticipé le Grenelle II notamment sur la démarche de vérification.
Les grands groupes cotés tels que Danone, pionnier en la matière avec le discours d’Antoine Riboud devant les assises du CNPF au sein duquel dès 1972 le président visionnaire montre l’importance de la dimension sociale dans le projet économique de l’entreprise, attentive aux attentes de la société civile et à l’équilibre de la planète. Depuis,le groupe innove régulièrement en responsabilité sociétale et en communication. Citons notamment le Danone Way, déployé dans la plupart des filiales, la démarche consiste en une auto-évaluation de la politique sociétale de chaque filiale. Schneider Electricest également très en avance avec notamment l’innovant baromètre Planète et Société (publication trimestrielle des résultats extra-financiers de la politique menée sur 13 thématiques). La plupart des entreprises du CAC40 publient aujourd’hui des objectifs extra-financiers à moyen ou long terme. C’est le cas notamment de GDF SUEZ, France Télécom Orange, Lafarge, Schneider Electric, Saint Gobain,..
Ces groupes et les organisations plus généralement s’acheminent progressivement vers une communication intégrée couvrant les données financières et extra-financières de l’entité au lieu de deux communications spécialisées (financière et extra-financière) qui se développent parallèlement avec des canaux de communication distincts.
Entretien mené par Magali Bernier