Tribune de François Ramaget, Président de l’Agence Gootenberg.
On ne reviendra pas ici sur les basiques de l’affaire Carlos Ghosn, le tout puissant patron de Renault, incarcéré au Japon pour des soupçons de malversations … Mais l’analyse de cette affaire peut constituer un cas emblématique de communication de crise et elle pourrait être utile pour d’autres entreprises… Quelle est l’ampleur du buzz qui accompagne le scandale ? Comment Renault a-t-il, jusqu’ici, géré cet accident médiatique mondial ? Et quel pourrait en être l’impact sur la réputation de l’entreprise ?
Un retentissement planétaire
Avec près de 15,000 articles ¹de presse et plus de 100,000 tweets ² en 4 jours, le cas Ghosn est une grosse affaire et elle n’est pas franco-française. Avec 80% de ces contenus publiés ou postés hors de France, on constate que le cas suscite l’émoi bien au-delà de nos frontières. C’est 5 fois plus de couverture instantanée que celle générée par l’incarcération du patron d’Audi dans l’affaire des moteurs truqués …
Il est vrai que le cas est exceptionnel par la stature de l’inculpé d’abord, mais aussi par la nature des délits dont il est soupçonné – fraude fiscale et abus de bien social, émanant d’un dirigeant ayant gagné plus de 100 M€ entre 2009 et 2016 : Si l’opinion mondiale est « accoutumée » à la tricherie fiscale ou aux négligences sanitaires des grands groupes, elle semble unanimement sidérée par la supposée voracité d’un magnat des affaires…
Une réaction trop locale
Sur le coup, la priorité de Renault a bien sûr été de pallier cette défection inattendue en nommant rapidement une codirection à la tête de l’entreprise. Mais il aura fallu attendre 3 jours pour délivrer plus qu’un communiqué officiel. La communication publique a pris alors la forme d’une vidéo postée sur Twitter, un court speech de Thierry Bolloré, en français avec sous-titrage anglais… Est-ce vraiment le plus adapté pour une marque qui vend 80% de sa production hors de France ?
Surtout quand la diffusion de la vidéo apparaît plutôt aléatoire : Postée sur le fil du groupe, elle est présente aussi sur les fils de Renault France, Benelux, UK et Afrique du Sud. Mais elle curieusement absente des fils de Renault au Brésil, en Colombie, Russie, Turquie, Ukraine, etc… Ne pouvait-on la sous-titrer dans les langues locales ? Ne pouvait-on pas la diffuser sur tous les canaux du groupe ? A l’évidence, la méthode pêche par manque de préparation…
Certes l’événement est brutal mais était-il strictement imprévisible ? On peut supposer que non, à la lumière de plusieurs arrestations très médiatiques qui, de DSK à Weinstein, ont décapité en un instant des organisations de premier plan. Trop loin de l’univers industriel, direz-vous ? On pourrait alors évoquer l’arrestation en juin dernier de Rupert Stadler, le patron d’Audi, maintenu en détention jusqu’en octobre pour l’affaire du Dieselgate. Sans vouloir jeter la suspicion sur notre constructeur, cet épisode aurait pu mettre la puce à l’oreille des communicants de Renault : La scénarisation et la simulation des cas de crise font aujourd’hui partie intégrante de la mission des grandes directions de communication. Et, même si la probabilité en est faible, le cas de la disparition du dirigeant aurait pu être préparé.
Un impact sur la marque ?
Dans une France malmenée par le mouvement des gilets jaunes, le comportement supposé de l’ex PDG résonne de manière particulièrement malencontreuse. Mais il est bien sûr trop tôt pour évaluer un quelconque impact de l’événement sur les ventes de la marque, ici ou ailleurs. De plus, l’affaire, si affaire il y avait, concerne le comportement d’un dirigeant et non celui de l’entreprise. Mais l’amalgame de Renault avec son dirigeant a été si fortement promu par la communication du groupe qu’il pourrait désormais se retourner contre la marque…
Car il convient de noter que les consommateurs sont partout, de plus en plus nombreux à sanctionner les comportements non éthiques des entreprises : Ainsi, selon une étude récente, 20% des consommateurs dans le monde disent éviter d’acheter une marque soupçonnée d’évasion fiscale : L’expérience client inclut désormais la dimension corporate des marques. Et, si les soupçons venaient à se confirmer, Renault, si longtemps incarné par son dirigeant, pourrait alors en faire les frais.
Sources :
1 factiva.com
2 Visibrain
Illustration :
https://www.boursorama.com/bourse/actualites/affaire-ghosn-le-cours-de-renault-8d3694f80a06353bc44948e99c26ddec
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