Thibault de Manoir de Juaye – Avocat à la cour. Dernier ouvrage : «Le Secret des Affaires», Lexis Nexis, Avril 2016.
Les entreprises peuvent-elles être victimes de la guerre du droit ?
Évoluer dans son propre système juridique est un atout commercial et concurrentiel indéniable. C’est la raison pour laquelle certains pays, notamment anglo-saxons, tentent d’imposer leur droit. Pour cela, ils lancent des campagnes de dénigrement des droits concurrents et utilisent les organisations internationales pour permettre à leurs juristes de travailler où ils veulent avec un minimum de contrôle.
Les Etats-Unis – d’autres pays devraient les suivre – infligent des amendes considérables à des sociétés étrangères, comme on l’a vu avec l’affaire BNP, mais mettent également sous tutelle les entreprises en détachant des personnes chargées de les surveiller. Une aubaine formidable pour glaner des informations !
Quels risques liés aux évolutions législatives, réglementaires, européennes et nationales peut rencontrer une entreprise ?
Nous assistons à un bouleversement dans le raisonnement juridique : la loi ne va plus fixer des normes à respecter, mais un but à atteindre : à l’entreprise d’imaginer les moyens pour parvenir au résultat souhaité. Par exemple, la loi vous dit maintenant que toutes les entreprises doivent lutter contre la corruption. Mais comment ?
Au juge d’en décider. Mais tout procès présente un alea, d’où une plus grande incertitude juridique.
Cependant, on voit de plus en plus apparaître au détour des décisions judiciaires une obligation de sécurité juridique à la charge de l’Etat qui peut être poursuivi, par exemple, pour ses revirements de jurisprudence.
En plus des risques « traditionnels », les entreprises font également face à des attaques intentionnelles, juridiques et médiatiques destinées à les déstabiliser. De quoi s’agit-il exactement ?
Une entreprise, ou même une personne, ne ressort pas indemne d’un procès médiatisé, qui laisse des traces même si la justice vous donne raison. Pour plagier une citation que l’on prête à Francis Bacon, « Plaider il en restera toujours quelque chose ».
» Nous assistons à un bouleversement dans le raisonnement juridique : la loi ne va plus fixer des normes à respecter, mais un but à atteindre « .
Il faut également connaître « l’immunité de prétoire », principe selon lequel on a le droit de tout dire (ou presque) pour sa défense sans pouvoir être poursuivi, par exemple pour diffamation, et les médias qui reprennent les propos du justiciable bénéficient de la même protection.
Ce dévoiement de la justice n’est pas admissible, mais il n’en demeure pas moins qu’il existe de plus en plus fréquemment.
« Les bases de données juridiques sont consultées par des juristes et non par les veilleurs-analystes, alors qu’il y a pourtant de véritables pépites et informations à caractère humain ou économique. »
Quelles sources permettent à un veilleur-analyste de s’alimenter en données législatives fiables ?
Dans les bases de données juridiques, il y a bien entendu les données législatives, mais il y a également des décisions de jurisprudence avec des informations fondamentales sur les entreprises. Dans l’ensemble, ces bases sont consultées par des juristes, et non par les veilleurs-analystes, alors qu’il y a pourtant de véritables pépites et informations à caractère humain ou économique.
Quels sont les principaux enjeux impactant les métiers de l’Intelligence Economique autour du vide juridique sur la collecte, le traitement et la diffusion de données personnelles ?
Je ne crois pas qu’il y ait un vide juridique autour de l’Intelligence Economique. La difficulté vient plutôt de la méconnaissance de cette discipline par les professionnels du droit. Peu d’entre eux sont formés ou ont au moins une connaissance de la matière. Pourtant le barreau de Paris, en février 2016, à la suite d’un rapport que j’ai co-rédigé avec mon confrère Baudoin du Belloy, a modifié son règlement intérieur pour confirmer que les avocats parisiens pouvaient faire de l’Intelligence Economique
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