Le Market Intelligence a rencontré Denis Meingan, Directeur associé de Knowledge Consult

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Denis Meigan pour Culturerp

Quelle est votre définition du Market Intelligence ?

D’abord, il faut bien constater que l’approche de définir de manière formelle un concept avant de commencer à en parler est bien française (sic). D’autres approches, notamment américaines, vont essayer de présenter des exemples, voire des histoires, de manière à être concret avant de chercher à mettre en avant une formalisation visant à l’exhaustivité. Néanmoins, je vais vous répondre.

Pour bien comprendre la notion de Market Intelligence, il faut d’abord aborder le sujet de l’intelligence économique et de la veille.

La notion d’intelligence économique est reconnue comme étant apparue en 1984 dans le rapport Martre même s’il s’agissait en fait de veille, au sens actuel du mot. Elle réapparait de manière forte en 2003 avec le rapport Carayon et il s’agissait alors de rassembler sous ce vocable trois activités : la veille, la sécurité (principalement informationnelle) et l’influence (lobbying).

Malgré la désignation d’un haut responsable à l’intelligence économique, il a bien fallu constater que les trois métiers rassemblés sous ce vocable n’avaient pas tellement de liens à part pour certains formateurs et organisateurs de conférences. Au final, on peut dire actuellement que la notion d’intelligence économique n’a aucun contenu concret à part celui de la veille et c’est par rapport à celui-ci que je vais répondre à votre question.

De fait, la Market Intelligence apporte une vraie évolution par rapport à la veille. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle apporte des approches et des modèles d’analyse des secteurs, des marchés, des métiers, des technologies, etc. par rapport à la simple gestion d’un flux informationnel, en provenance principalement du Web, qu’a été et qu’est encore la veille pour beaucoup.

Quelles sont les évolutions de ce modèle ?

Historiquement, la veille a plusieurs sources. Il y eu notamment les revues de presse des services de communication interne et la veille brevets des départements R&D. Puis il y a eu la surveillance du Web dans un premier temps avec des prestataires experts en ce domaine et ensuite des plateformes logicielles dont la mise en place était en général assez compliquée et nécessitait des compétences à acquérir par les différentes parties prenantes et en particulier ce qui se sont appelés des veilleurs. Cet aspect technique dominait et la connaissance des secteurs, des marchés, des technologies restait à charge des métiers.

Cependant les choses ont récemment changé quand en proposant une offre de services de veille dans le cloud, certains ont voulu s’adresser aux destinataires habituels des veilles : les directions marketing, les directions commerciales, les directions de R&D… Il s’agissait de leur fournir directement, c’est-à-dire sans passer par les veilleurs, les informations critiques dont elles ont besoin pour leurs activités dans un format attractif.

Plus globalement, il faut bien constater que dans le cadre de la transformation digitale des organisations la plus grande partie de leurs collaborateurs utilisent quotidiennement Internet et réalisent de fait eux-mêmes une veille sur les sites qui les intéressent. Dans ce contexte, il ne s’agit plus que de faciliter cette opération ainsi que le partage des informations et contenus entre eux.

L’approche de surveillance et de partage des informations fournies à partir de plateformes complexes analysant le Web, qui a principalement nécessité la création de la fonction de veilleur, devient donc obsolète. Les veilleurs sont alors ubérisés et la notion de Market Intelligence apparait et se développe comme les approches, démarches et outils permettant d’analyser et de modéliser un ou plusieurs secteurs d’activité, marchés et métiers ainsi que leur dynamique de manière à aider les professionnels y travaillant à mieux les comprendre et prendre les décisions les plus adaptées.

Comment appréhender ces nouvelles tendances dans un monde VUCA ?

Le monde est devenu VUCA, c’est à dire volatile, incertain, complexe et ambiguë comme le disent les américains. C’est-à-dire que tout change tout le temps et que les organisations comme les individus doivent s’adapter perpétuellement. Cette nouvelle situation s’explique en partie par la globalisation et la digitalisation de l’économie.

Les veilleurs d’aujourd’hui doivent maitriser les outils et plateformes logiciels mais surtout être spécialisés dans l’analyse et la modélisation d’un ou plusieurs secteurs d’activité, marchés et métiers ainsi que leur dynamique, afin d’assister leurs professionnels à mieux comprendre leur environnement le plus souvent chaotique.

De fait, un basculement s’opère entre le métier de veilleur informationnel et d’analyste modélisateur. Auparavant le veilleur se définissait par la fixation des axes de veille (cadrage), la recherche de sources (sourcing), la définition de requêtes pour les interroger et la mise en forme des résultats obtenus.

Maintenant le cœur du métier, c’est l’analyse et la définition de modèles adaptés au nouveau contexte des affaires car les modèles reconnus comme ceux de Michael PORTER et le modèle PESTEL sont des modèles qui ne sont plus adaptés au monde VUCA. En effet, de nombreuses sociétés brisent les frontières des secteurs classiques. Il y a par exemple, Amazon qui vend des vêtements, le Bon Coin qui publie des annonces d’emplois, Bla Bla Car qui réinvente le transport de passagers, etc. Autant de nouvelles activités qui prouvent que de nouveaux modèles doivent être définis. Celui de l’économie collaborative, et en particulier le travail de Jeremy Rifkin, est une nouvelle approche mais elle ne peut suffire.

Plus globalement pour faire face au monde VUCA, les entreprises doivent être « agiles » au sens organisationnel du mot avec une capacité à détecter les informations critiques pour leurs activités, les analyser, les modéliser et proposer les décisions adaptées aux parties prenantes.Ce qui correspond aux évolutions du métier de veilleur vers celui d’analyste-modélisateur dans la cadre du Market Intelligence.

Lien  : Knowledge Consult

Pavitra Virain, Veilleur-Analyste – L’Argus de la presse/
Pôle Market Intelligence

Market-Intelligence-lArgus-de-la-presse

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