Démangeaisons irrépressibles, réactions subreptices sur notre visage et notre corps, mouvements de nos mains dans l’espace, tous ces mouvements pour la plupart incontrôlables, en disent bien plus long que des paroles.
Stephen Bunard, coach en communication et spécialiste du langage corporel (synergologue) dresse le portrait gestuel de François Hollande pour Culture RP.
Sarkozy marquait une rupture dans le style présidentiel, son corps surexpressif au diapason du mouvement perpétuel qu’il prétendait insuffler au quotidien. François Hollande, davantage dans le contrôle et la tempérance, renoue avec des perceptions plus classiques de la fonction présidentielle.
Le point fort : la stabilité émotionnelle
Hollande est un « vigilant ». Être dans le contrôle du discours a un bon côté : apparaître posé. En campagne, Hollande sût revêtir le masque de la solennité, le sourcil froncé, parfois consciemment, ce qui pût sonner faux. Lorsqu’il est lui-même, son corps libéré livre des expressions finement détectables. Ainsi, on aura pu voir quand il évoque les dangers de la spéculation financière sa paupière gauche tomber plus vite que sa paupière droite, preuve que ce sujet lui tient à cœur. Les mains se positionnent devant lui, figurant une barrière, comme s’il tenait un paquet, à angle droit, doigts écartés, et renseignent sur sa conception du rapport à l’autre, elles marquent l’égalité, avec l’interlocuteur ou sa conception égalitaire des sujets abordés.
Lors du duel d’entre deux tours, Hollande se sentait dominant. Il est apparu plus spontané que d’ordinaire. Ses deux mains plus participatives, le corps droit, en avant, le regard plongé dans celui de l’adversaire. La multiplication des langues sortant rapidement vers l’avant nous renseigne sur l’esprit de Hollande qui tacle ainsi souvent et de façon non consciente Nicolas Sarkozy. Par tempérament, manque d’envie ou peur d’en faire trop, il ne va pas jusqu’au bout de ses attaques, les lèvres rentrent à plusieurs reprises dans la bouche en fin de phrase, c’est la maîtrise qu’il veut garder de son discours. Le candidat normal est sous pression. Celle de celui qui a tout à gagner sans doute plus grande que celle de celui qui n’a plus forcément grand chose à perdre.
Le point faible : l’excès de contrôle
Chez Hollande, la main droite s’agite souvent seule. Elle s’élève souvent, marquant l’autorité. C’est le manque de participation de la main gauche qui est pénalisant, la main de la spontanéité. La droite est celle de la logique argumentative, du contrôle du discours : élaboration d’une pensée qui se fait en parlant, signe d’une concentration extrême, les mots qu’on essaie de retrouver. Le langage corporel s’adosse à une rythmique vocale hachée.
« Moi président de la République… » (répété 16 fois) : corps se figeant, regard extérieur à la recherche d’un discours fabriqué, main droite agissant seule, clignements de paupières « en grappes » affichant un stress de performance. Après l’anaphore, l’homéotéleute à Tulle puis Bastille le soir de victoire : sous Sarkozy, « des blessures, des ruptures, des coupures, des fractures » nous dit-il. Même effet. La préparation nuit à Hollande. Lors de son discours à la maison de l’Amérique Latine le soir de sa victoire aux primaires, l’orateur perçait sous l’improvisation.
Il a trop singé la gestuelle mitterrandienne pendant les meetings. L’introjection existe. On reproduit de son mentor, non consciemment, les gestes, mimiques, tics verbaux et sonores, jusqu’à la voix elle-même. On a voulu aller plus loin, l’entraîner, la greffe n’a pas pris. Le pot aux roses a été éventé très vite.
Son enjeu : redevenir « François le spontané »
Hollande le vigilant gagnerait à retrouver François le spontané. En étant moins dans l’explication, le cérébral, le logos, les arguments, d’une certaine façon moins pédagogue. Aller chercher ce qui le touche, ce qui le fait vibrer, ce qui le meut et l’émeut. Retrouver le chemin de la distanciation par l’humour afin de se reconnecter avec lui-même. La gestuelle et les mimiques s’aligneront. Le changement, il doit l’incarner physiquement et émotionnellement. Encore plus maintenant.
Stephen Bunard
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