« Les marques deviennent des médias », « Le contenu est au cœur de la communication digitale », « Sans contenus, pas de visibilité ». Les professionnels de la communication entendent régulièrement ces déclarations affirmées et répétées tels des mantras par les agences et influenceurs du secteur. Mais au-delà de ces grandes annonces, il convient de nourrir les réflexions autour de ce sujet. Une démarche éditoriale peut effectivement être bénéfique à la communication d’une organisation mais n’est pas pour autant la réponse automatique à toutes les problématiques. De plus, la diversité des organisations de par leur structure juridique, leur secteur, leur budget, ne permet pas de définir un seul et unique modèle qui serait déclinable à tous. Il semble plus judicieux d’aider chacun à se poser les bonnes questions pour déterminer pourquoi et comment il peut être pertinent de développer une démarche éditoriale digitale.
Back to Basics
La communication online est bien trop souvent présentée comme une révolution totale. Loin de moi l’idée de minimiser son impact que je vis au quotidien comme des millions de Français. Le web et particulièrement les réseaux sociaux, ont bouleversé la manière d’échanger entre les différents acteurs : clients, marques, journalistes, influenceurs, etc. Néanmoins, il ne faut pour autant vouloir réinventer la roue et les bases de la réflexion stratégique restent le meilleur moyen de se poser les bonnes questions pour initier une démarche éditoriale web.
La première question est bien entendu celle de la cible : A qui sont destinés les futurs contenus ? Pour y répondre, le web bénéficie d’un outil majeur : la donnée. En croisant les informations de trafic de votre site, vos bases de données e-mailing, vos statistiques social media, il est possible de déterminer objectivement le public qui sera le plus susceptible d’être intéressé par vos contenus. Bien entendu, cette décision doit aussi être en cohérence avec les objectifs de l’organisation.
Il est important également de faire l’inventaire de ses forces et faiblesses. C’est là le meilleur moyen d’avoir une démarche éditoriale cohérente avec les valeurs et la communication de l’entreprise mais aussi de proposer une stratégie adaptée aux moyens humains, techniques et financiers de l’organisation. En effet, il n’est pas forcément nécessaire d’intégrer tous les sujets de l’entreprise à son approche éditoriale online. Selon les moyens disponibles, il peut être préférable de se centrer sur un seul sujet mais de parvenir à en tirer le maximum.
Enfin, il faut aussi analyser ce qui existe déjà chez les concurrents. Quels angles et sujets ont été choisis ? Quels moyens ont été investis ? Quel ton est employé ? Quel public est visé ? etc. Mais les bonnes idées ne se trouvent pas uniquement dans le même secteur d’activité que celui dans lequel évolue l’organisation. Alors pourquoi ne pas regarder également ce qui existe ailleurs sur la toile ? Dans tous les secteurs, des entreprises sont parvenues à se démarquer par une stratégie éditoriale online de grande qualité, dans le fond comme dans la forme.
S’intégrer dans la vision digitale globale
Si l’éditorial online est bien souvent du ressort de la communication, le digital implique bien souvent plusieurs entités dans l’entreprise. En plus de la direction de la communication s’ajoutent souvent le marketing, la DSI voire la direction digitale le cas échéant. Il est indispensable de faire travailler ces départements ensemble pour s’assurer que la démarche s’ancre bien dans la vision digitale globale de l’entreprise. Ils devront dans la majorité des cas être impliqués, à minima, dans la production du site orienté média qui sera le support accueillant tous les contenus publiés.
Il convient justement de s’attarder sur le support. Le contenu peut être hébergé sur site éditorial indépendant ou faire partie du site corporate existant de l’entreprise. Mais dans tous les cas, il doit fournir une expérience utilisateur adaptée et spécifique. Le design doit porter le contenu pour permettre au visiteur de découvrir immédiatement la diversité des productions tout en offrant une expérience de lecture optimale (sur ordinateur comme sur mobile) et en facilitant le partage des contenus sur les réseaux sociaux de l’internaute.
Ici, la marque doit accepter de passer au second plan au risque de faire fuir le visiteur venu sur le site pour la ligne éditoriale choisie et non pas pour l’organisation émettrice. C’est seulement dans un second temps et avec subtilité, une fois le lecteur séduit par les contenus, que la marque peut commencer à apparaitre et à proposer au visiteur de découvrir ses produits, toujours avec prudence et subtilité.
C’est donc bien dans une approche globale que la stratégie éditoriale peut déployer tout son potentiel.
– Elle contribue au référencement naturel du site
– Elle génère du trafic vers les pages clés d’un site
– Elle accompagne les campagnes adwords ou display
– Elle alimente les médias sociaux et contribue à la réputation de l’entreprise
– Elle participe à la promotion de nouveaux produits
La définition de la ligne éditoriale
Si les marques deviennent des médias alors elles doivent s’organiser comme tel en proposant une ligne éditoriale claire et cadrée à leurs lecteurs. Cette ligne éditoriale facilite le travail de l’équipe de production en l’aidant à déterminer les sujets à traiter. En étant cadrée, elle permet également d’expliquer au sein de l’organisation pourquoi certains sujets de l’entreprise ne sont pas exploités. En effet, dans une stratégie éditoriale il n’est pas question de parler de tout mais de se centrer sur une thématique pour tenter de devenir référent en la matière.
Comment peut-on définir cette ligne éditoriale ? Il y a avant tout un choix à ne pas faire : définir la ligne éditoriale uniquement à partir de ce que l’on souhaite dire. En effet, il est préférable de prendre le sujet dans le sens inverse : Qu’est-ce qui intéresse nos publics ?
A partir de cette première question, il est alors possible d’affiner la réflexion avec un questionnement le plus objectif possible.
– Comment l’organisation est-elle perçue ?
– Quelles sont les valeurs de l’organisation ?
– Sur quels sujets l’organisation est légitime pour prendre la parole ?
– Quels sont les thématiques sur lesquelles l’équipe de rédaction est compétente ?
– Quels sujets sont cohérents avec le reste de la communication existante ?
– Quels sont les cibles que l’organisation souhaite toucher à travers sa stratégie éditoriale ?
– Quels sont les messages clés qui doivent être diffusés en filigrane ?
Cette démarche vise à écarter les décisions subjectives et émotionnelles pour tenter, au maximum, de définir une ligne éditoriale en cohérence avec le contexte réelle et non le contexte voulu ou phantasmé.
Mais s’il n’y avait qu’un point à retenir c’est sans hésiter l’intérêt pour le lecteur. La communication éditoriale de marque n’a pas pour vocation à être du journalisme et, bien qu’elle fournisse de l’information, elle reste une opération de séduction destinée à créer la préférence et indirectement à générer une action du lecteur.
La bonne équipe et la bonne organisation
Mais même avec une ligne éditoriale adéquate et un site orienté média à l’ergonomie irréprochable. Le succès de la stratégie éditoriale repose encore grandement sur un troisième élément : l’organisation de l’entreprise productrice des contenus. Les personnes en charge de l’éditorial sont les éléments clés du succès.
Elles doivent bien entendu avoir de très bonnes capacités rédactionnelles mais plus encore, elles doivent être capable de penser un planning rédactionnel en fonction des grands moments de l’organisation et des marronniers liés à la thématique abordée. Au-delà du format article, il est également important d’être capable de choisir le bon format de contenu en fonction du sujet à traiter : article, infographie, vidéo, websérie, storify, slideshare, … Des contenus variés, utilisés de manière pertinente, faciliteront la fidélisation du lecteur et son envie de partager les informations sur les réseaux sociaux.
En plus des capacités de production, l’équipe éditoriale doit également intégrer des capacités d’analyse. Elle est ainsi en capacité de mesurer les résultats de sa stratégie, de comprendre qui sont ses lecteurs et quels contenus sont appréciés. Avec ces données, il est ainsi possible de mettre en place une démarche d’amélioration continue pour ne pas avancer à l’aveuglette et s’assurer de l’intérêt de la démarche.
Il ne faut cependant pas oublier que l’équipe éditoriale évolue au sein d’une organisation. Elle doit rendre-compte à des managers ou à une direction. L’échange avec ces derniers se doit d’être structuré pour permettre à la démarche éditoriale de vivre sans trop de contraintes. Plutôt que de valider l’intégralité des sujets, une démarche de confiance peut être de demander à l’équipe de renseigner les sujets choisis sur une plateforme ou dans un document accessible au management. En fixant un délais de réaction, il est possible de décider par exemple que sans remarque du manager une semaine avant publication (pour un format texte), le sujet est considéré comme validé. De la même manière, il est possible de déterminer quels articles sur des sujets clés doivent être validés avant publication là ou d’autres, moins stratégiques, pourront être mis en ligne par l’équipe et corrigés une fois en ligne si besoin.
Toutes les marques ne peuvent pas devenir des médias à part entière. En revanche, avec la bonne réflexion stratégique, les bons outils, la bonne équipe et le bon management. Chaque organisation est en capacité de produire du contenu susceptible de trouver et d’intéresser ses publics.
A propos de l’auteur
Basile Petit travaille au sein de la direction de la communication et des engagements sociétaux de Generali France. Il est en charge de l’éditorial web à destination de l’univers « Entreprises ». Il est précédemment community manager au sein de l’agence Wellcom pour laquelle il contribue notamment à la rédaction de l’édition 2015 du Guide Social Media. Il démarre sa carrière en tant que community manager pour le pôle technologique de IONIS Education Group.