Dans quelques semaines, une norme sur les avis des internautes devrait être publiée. En assainissant la toile des faux avis, cette norme vise à augmenter la confiance des internautes et à rendre les marques plus crédibles.
Culture RP a rencontré Olivier Gibert, relations presse du Groupe AFNOR, qui nous éclaire sur le sujet.
Quelle est l’origine de cette demande de norme ?
L’organisme à l’origine de la future norme sur la fiabilité des avis de consommateurs sur Internet est le site gestionnaire d’avis TestnTrust. On est alors en 2011, les médias relaient plusieurs plaintes de consommateurs concernant des avis fallacieux sur internet. TestnTrusta sollicité AFNOR pour rassembler toutes les parties prenantes du secteur autour de la table afin de partager et réunir des bonnes pratiques en la matière. C’est tout la force d’une norme volontaire : elle est réalisée par et pour les professionnels sous la houlette d’AFNOR Normalisation, qui coordonne l’élaboration de documents de référence en France, dont des normes, à la demande d’acteurs économiques ou publics. C’est une mission reconnue d’intérêt général.
Est-ce une première en Europe ?
Aucun organisme de normalisation n’avait alors débuté de réflexion sur le sujet. AFNOR est donc le premier à rassembler tous ces acteurs pour ériger des règles du jeu communes. Cette situation n’étant pas exclusivement un problème français, AFNOR portera cette norme au niveau international si les professionnels français le souhaitent pour ainsi définir un texte de référence au niveau international, sous la houlette de l’ISO.
Comment la norme va-t-elle réussir à filtrer les vrais des faux avis ?
La norme sera mise à disposition et les sites qui souhaitent répondre à ses exigences seront libres de le faire. L’objectif ne s’agit pas ici de contrôler tout ce qui peut se dire sur Internet, ni même de prétendre fiabiliser 100% du contenu des commentaires, malgré tous les efforts et la vigilance des éditeurs. L’objectif de la future norme, à paraitre en juin, est de proposer les meilleures pratiques permettant de fiabiliser les méthodes de traitement, de collecte et de publication des avis de consommateurs en ligne. En apportant de la confiance dans le traitement des avis, le contenu de ces mêmes avis sera, par rebours, plus fiable.
La norme proposera des principes et des exigences déjà éprouvés par des sites et de bon sens. Par exemple, seule une personne physique, contactable et pouvant prouver son expérience d’achat ne pourra déposer un avis et bien sûr tout achat d’avis sera formellement interdit. Concernant la modération des avis, des bonnes pratiques sont délivrées notamment sur le rôle, les moyens, les délais et les principes de rejet. Pour finir, les sites suivant la norme devront afficher l’ensemble des avis par ordre chronologique, notifier des informations sur l’auteur et permettre à chaque utilisateur de pouvoir répondre aux commentaires et de signaler un contenu illicite ou inapproprié.
Qui participent à l’élaboration de cette norme ? Et comment se passe la concertation ?
Une commission de normalisation a été constituée pour, progressivement, réunir près de 40 organisations dont des associations de consommateurs (AFOC, CSF, INC et UNAF), des entreprises (GDF Suez, La Poste et la SNCF), des gestionnaires d’avis et sites de e-commerce recueillant des avis (TestnTrust, Tripadvisor, Cityvox, Pages Jaunes, Expédia…), des fédérations et associations professionnelles (AMARC, FEVAD, SYNHORCAT et l’UMIH) et des autorités telles que la CNIL et la DGCCRF.
Tous ces professionnels se sont réunis13 fois entre janvier et novembre 2012 pour rédiger cette norme, de manière itérative et collaborative. Imaginez des sessions de travail réunissant parfois 60 personnes qu’il faut mettre d’accord… C’est bien l’enjeu : construire un consensus entre tous ses membres et donc toutes les parties prenantes de ce marché.
Certains critiquent cette norme, que lui reprochent-ils exactement ?
Elaborer une norme est un travail de longue haleine car chaque partie prenante s’implique pour faire valoir ses intérêts. Il revient à AFNOR et au président de la commission de normalisation, Raphaël Colas (Association AMARC et Groupe La Poste) de favoriser des compromis pour l’intérêt général. C’est tout l’enjeu d’une démarche de normalisation : des professionnels se mobilisent d’eux-mêmes pour définir des règles du jeu partagés qui collent à leurs préoccupations. Ils agissent et n’attendent pas que la règlementation s’impose. Il faut saluer cette démarche volontariste. Quant aux contenus des débats, ils restent confidentiels pour que le travail soit mené le plus sereinement possible.
Quel est le calendrier prévu pour la mise en place de cette norme et de la certification des sites ?
Le projet de norme a été rendu public, comme tout projet de norme, du 2 décembre 2012 au 15 février 2013. Cette phase de consultation a été exceptionnellement prolongée de 15 jours pour permettre à toutes les parties prenantes de s’exprimer. Avec plus de 300 commentaires émis par plus de 50 personnes, la commission de normalisation s’est réunie le 18 mars et le 8 avril pour étudier tous les commentaires. D’autres sessions sont prévues pour finaliser la norme.
Suite à sa publication, prévue en juin, les sites d’avis qui souhaitent apporter de la confiance dans les avis qu’ils recensent auront deux possibilités. La première étape sera l’auto-déclaration de respect de la norme, qui engagera alors la responsabilité du propriétaire du site chargé de fournir la preuve de son action si une autorité le lui demande. La deuxième étape, qui interviendra à l’automne, sera une certification du site, à sa demande, par un organisme tierce-partie. Des audits permettront de vérifier, dans des conditions encore à définir, le respect des critères de la norme. Un logo pourra alors être apposé sur le site, offrant à l’internaute un signe distinctif lui indiquant que le site respecte les critères de certification sur la base de la norme AFNOR. Les premiers sites qui s’inscriront dans le dispositif deviendront des ambassadeurs auprès du grand public.
Quelle sera l’influence de cette norme sur l’e-réputation des marques / établissements ?
Plusieurs études prouvent toute l’importance des avis de consommateurs dans le processus d’achat. Si les faux avis continuent à fleurir sur Internet, il se pourrait que la crédibilité des marques en soit impactée et que ces dernières ne puissent plus s’appuyer sur ce formidable outil élaboré par et pour leurs consommateurs. Il apparait donc essentiel pour les vendeurs en ligne de produits ou services de pouvoir justifier de la véracité de leurs avis, les bons avis étant une publicité gratuite pour la marque. De même, les vrais avis négatifs contribuent à l’amélioration des offres proposées : la future norme favorisera, notamment, le dialogue entre les vendeurs et les consommateurs, ce qui est totalement dans l’air du temps.