Matière à réflexion : Bernard Petitjean et Corinne da Costa – Seprem Etude & Conseil
Dans un monde où tout se sait, se fait et se transmet de plus en plus vite, innover est devenu l’obsession des industriels, des médias, des communicants et des politiques. Pourtant, « le progrès » fait de moins en moins rêver des « citoyens consommateurs » pour qui le vrai changement consisterait à changer moins, mais mieux. Comment répondre à leurs attentes ?
L’interview donnée à « Influencia » par le sociologue et chercheur Stéphane Hugon donne quelques précieux éclairages.
Il différencie clairement « l’innovation » de « l’invention » qui, malgré les distinctions qu’elle apporte à ses auteurs dans les cercles scientifiques comme au concours Lépine, ne trouve pas souvent son public. Derrière cette distinction, on retrouve une critique de la technique initiée il y a quelques décennies par Jacques Ellul. Ce n’est pas parce qu’une nouvelle technologie permet de faire quelque chose qu’il faut nécessairement l’appliquer. Et ce n’est plus parce que l’on promet un « progrès » que les consommateurs s’approprieront automatiquement l’innovation proposée.
Pour Stéphane Hugon, le social l’emporte aujourd’hui sur le technique. Il n’y aurait de véritable innovation que lorsque la technique permet de cristalliser de nouvelles relations sociales, de « révéler de nouveaux imaginaires », de répondre plus facilement à des façons d’être et de vivre.
En appui de son discours, notre sociologue pose 2 questions qui sont de véritables « matières à réflexion » :
- Dans les années 60, est-ce la possibilité technique de fabriquer des transistors peu chers et sans fil ou les aspirations des jeunes à plus d’autonomie sociale et culturelle qui expliquent la disparition très rapide des gros postes de salons devant lesquels toute la famille se rassemblait religieusement ?
- Des nouvelles interfaces ou des aspirations diffuses mais fortes à communiquer autrement, qu’est-ce qui explique vraiment le succès planétaire du Web 2.0 ?
Désormais, l’innovation n’est plus l’apanage des scientifiques et des marketeurs à l’ancienne. A l’origine des innovations qui réussissent, on trouve de plus en plus souvent des « bidouilleurs » qui ont largement compensé leurs déficits techniques par une connaissance intime des groupes de consommateurs auxquels ils s’adressent (et dont ils font ou ont fait partie).
Stéphane Hugon estime donc, qu’aujourd’hui, « la première étape d’un processus d’innovation consiste à ne rien faire et à observer la façon dont vivent les gens ». C’est bien vu, si ce n’est qu’observer n’est pas rien faire, loin de là : les études qualitatives ont de beaux jours devant elles !
Bernard Petitjean ([email protected])
et Corinne da Costa ([email protected])
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