Médias sociaux : 3 enseignements du rapport Technorati Media 2013 par Olivier Cimelière, communicant 2.0
Depuis plus de 10 ans, le rapport annuel de Technorati, moteur de recherche américain spécialisé sur les blogs et régie publicitaire, est épié avec fébrilité par les acteurs des médias sociaux. Initialement baptisé « State of the Blogosphere », il mue cette année en « Digital Influence Report » pour mieux refléter les mécanismes à l’œuvre dans l’univers du 2.0. La cuvée 2013 est à nouveau riche en enseignements pour les entreprises et les marques dans leurs stratégies d’influence numérique.
Le « Digital Influence Report » de Technorati est une compilation de 3 études menées par la société américaine auprès de consommateurs, d’influenceurs et de responsables marketing issus des agences et des annonceurs aux Etats-Unis. Bien qu’il soit centré uniquement sur ce pays, le rapport n’en est pas moins pertinent sur les tendances du moment et celles à venir tant les USA ont une longueur d’avance en matière d’usage et d’intégration des médias sociaux dans les stratégies de communication. Une pertinence qui repose en outre sur des réponses fournies par plus de 6000 influenceurs, 1200 consommateurs et 150 professionnels du marketing.
Enseignement n°1 : Les marques disent oui au social mais…
L’évidence saute aux yeux. Les médias sociaux ne sont plus regardés comme une « terra incognita » par les marques étudiées par Technorati. 91% d’entre elles sont présentes sur Facebook et son milliard d’abonnés. Twitter et YouTube talonnent ensuite la plateforme de Mark Zuckerberg avec respectivement 85% et 73% de marques actives. Ensuite, on note un léger décrochage pour les autres outils sociaux à disposition : 41% pour Pinterest, 33% pour Linkedin, 32% pour les blogs, 29% pour Instagram et 26% seulement pour Google +. Lequel s’échine pourtant fortement pour recruter des marques sur son réseau lancé en 2011.
Côté investissements dans le numérique, les budgets commencent quelque peu à devenir significatifs avec 30% d’annonceurs qui consacrent annuellement entre 1 et 10 millions de dollars et 22% entre 10 et 25 millions de dollars. En revanche, la barre des 100 millions n’est franchie que par 10% des annonceurs. Mais à regarder de plus près la ventilation des sommes dépensées, un paradoxe saute aux yeux. Les médias sociaux sont réduits à la portion congrue en ne captant que 10% des montants globaux alloués au digital. Le reste est majoritairement attribué au display (bannières et autres formats publicitaires), au référencement et la production vidéo. Des canaux où la dimension conversationnelle est moindre.
Cette frilosité à s’extirper des approches communicantes unilatérales souligne qu’il reste encore du chemin à parcourir pour que les marques s’impliquent davantage dans la conversation avec leur écosystème que dans la promotion intensive. Autre preuve que le social est encore sous-exploité : la prééminence de Facebook dans les dépenses sur les réseaux sociaux. A lui seul, le réseau accapare 57% des dépenses purement 2.0. Twitter et YouTube enregistrent 13% chacun et plus loin derrière encore, les blogs avec 6%. Autant dire que la marge de progrès demeure même si les annonceurs estiment que leurs dépenses dans ce secteur seront amenées à croître de 37% dans les années à venir.
Enseignement n°2 : Les marques en décalage avec les consommateurs.
C’est une autre évidence qui se confirme. Les consommateurs sont d’intenses utilisateurs des réseaux sociaux pour rechercher des informations, notamment lorsqu’ils envisagent d’effectuer un achat. A cet effet, ils n’hésitent à s’abonner aux fils et profils des marques présentes pour suivre leur actualité, être informé des derniers produits et/ou des opportunités promotionnelles. Contrairement à une idée encore largement répandue chez d’aucuns, les consommateurs ne se comportent pas systématiquement comme d’acerbes critiques où la marque voit sa réputation endommagée. Sur Twitter par exemple, ils ne sont que 19% à faire part d’une plainte. Sur Facebook, le chiffre s’établit à 18%. Le reste du temps, ils veulent avant tout des contenus informatifs, profiter de promotions et faire part de leurs commentaires.
L’attitude policée des consommateurs n’exclut pas pour autant un désir d’être pris au sérieux avec des informations fiables et intéressantes. Or, l’étude Technorati met précisément en avant le fait que dans l’optique d’un achat, les blogs sont la 3ème source d’information la plus influente (31%) derrière les sites de vente (56%) et les sites de marques (34%). De même, les consommateurs déclarent accorder leur confiance à 51% aux sites d’information, 32% à Facebook (où l’effet bouche-à-oreille et recommandations des amis joue pleinement), 31% aux sites de vente, 29% aux blogs et à YouTube.
Cette confiance manifestée se retrouve d’ailleurs peu ou prou dans les partages de contenus que les consommateurs sont prêts à accomplir s’ils sont plaisamment convaincus. Dans le classement des médias sociaux où l’on partage le plus, Facebook se taille la part du lion avec 57%. Suivent YouTube avec 40%, les blogs et les sites d’information avec 26%. Des scores qui soulignent bien l’attente conversationnelle qui existe au niveau des consommateurs mais que les marques peinent encore à embrasser pleinement en préférant miser plus souvent sur des formats publicitaires digitaux comme le display.
Enseignement n°3 : Les influenceurs plus actifs que jamais
Dans son rapport, Technorati a adopté la définition suivante pour catégoriser qui est un influenceur et qui ne l’est pas : « Une personne qui a une audience plus importante que la moyenne ou un impact fort en termes de bouche-à-oreille dans un secteur de marché pertinent ».
A une écrasante majorité, les influenceurs considérés par Technorati s’appuient à 86% sur un blog (voire plusieurs) pour s’exprimer et commenter sur leurs centres d’intérêt. A noter toutefois que 52% d’entre eux animent entre 2 et 5 blogs contre 43% un seul et unique espace de contenus !
En termes de contenus justement, le texte a encore de beaux jours devant lui ! Là aussi, une énorme majorité incline à 86% pour l’écriture d’articles. Néanmoins, 38% recourent aux photos et 31% au microblogging (avec Twitter en tête) pour faire entendre leurs avis. Vidéos et audios sont relégués à l’arrière-plan avec respectivement 10% et 4%. Des formats qui nécessitent en effet un peu plus de technicité en termes d’écriture et de réalisation si l’on veut rester attirant et pertinent. En revanche, les contenus publiés sont prioritairement issus de l’intellect de l’influenceur. Ainsi, 74% postent du contenu éditorial écrit de leur main. 38% y ajoutent et relaient des liens avec d’autres articles. Autre point à noter : le recours massif des influenceurs aux plateformes sociales pour viraliser les contenus de leur(s) blog(s). 83% se servent notamment de Facebook, 71% de Twitter, 27% de Linkedin et 26% de Google + pour accroître la diffusion de leurs articles.
Ce sont également sur ces mêmes terrains digitaux que les influenceurs suivent les marques qui les intéressent : 47% sur Facebook et 38% sur Twitter. Néanmoins, ceux-ci sont nombreux à déplorer une relation pas toujours satisfaisante avec les marques. S’ils sont aisément repérés de ces dernières, ils pointent en revanche le fait qu’elles ne sachent pas toujours engager de manière appropriée. 68% regrettent que les marques ne tiennent pas compte de leur temps et qu’elles ont même tendance à le considérer comme gratuit ! Autre point de blocage : le manque de pertinence des pitches des marques par rapport au profil du blog et de son audience pour 50% d’entre eux.
S’il fallait résumer d’une phrase le symptôme clé qui se dégage du rapport 2013 de Technorati, celle-ci insisterait sur le décalage qui persiste entre d’un côté les annonceurs qui investissent d’abord sur le digital comme on achète des spots publicitaires à la TV et de l’autre, des influenceurs et consommateurs fortement demandeurs, prêts à être prescripteurs mais à condition d’établir une connexion pertinente avec la marque et pas purement promotionnelle. C’est effectivement là tout l’enjeu que les responsables de stratégies digitales vont devoir relever s’ils veulent enregistrer un écho plus prolifique.
L’illustration de ce grand écart se retrouve précisément selon Technorati dans la façon dont les uns et les autres mesurent le succès d’une campagne. Les professionnels du marketing s’obstinent à comptabiliser les « likes » de Facebook là où les influenceurs sont plus focalisés sur le trafic du site et le nombre de pages vues. Tout est dit ! Les marques n’ont donc pas encore totalement intégré l’aspect conversationnel bien qu’elles n’escomptent pas raboter leurs investissements dans le 2.0 pour le futur. C’est de bon augure mais l’état d’esprit devra changer. Sinon, les investissements consentis seront réalisés en pure perte face à des influenceurs et des consommateurs exigeants et informés qui attendent mieux et plus !