Tribune de Romain Mouton, conseiller en communication, fondateur de l’agence RM conseil. Il a été collaborateur parlementaire à l’Assemblée nationale, conseiller en cabinet ministériel et consultant pour plusieurs groupes internationaux de conseil et de lobbying. Par ailleurs, Romain Mouton est directeur d’un master de communication institutionnelle au sein d’une grande école de communication.
« La plus grande révolution des temps modernes, c’est cette soudaine et aveuglante visibilité du monde » écrit Romain Gary en 1979, faisant ainsi référence à des enjeux plus que jamais d’actualité par rapport à l’exposition médiatique et la capacité de chacun à être vu. Que signifie être visible aujourd’hui ? Comment les personnalités, entreprises et institutions tentent-elles d’exister sur une multitude de canaux sociaux ? Pourquoi certaines arrivent à émerger et d’autres non ?
La masse toujours grandissante d’outils digitaux mis à la disposition des individus et des entreprises créée l’illusion que rien n’est plus simple qu’être visible. Cette conception réductrice de la sphère digitale suppose une présence tous azimuts comme condition sinequanone pour assurer la visibilité de son entité. Et pourtant, s’afficher ne signifie pas être visible. Twitter, Facebook, LinkedIn, Youtube, Instagram, Vine, Snapchat… La multiplication des canaux de diffusion pousse bien souvent les acteurs économiques à mettre en place un dispositif complet dans l’espoir naïf d’intensifier leur visibilité. Cependant, de nombreuses entreprises jouissent d’une visibilité conséquente sans pour autant faire acte de présence sur tous les réseaux sociaux qui proposent une inscription gratuite.
Deux raisons principales expliquent ce phénomène. Premièrement, l’abondance d’outils créée le besoin et les multiples opportunités de communiquer sur les réseaux sociaux prennent l’ascendant sur la réflexion stratégique consistant à identifier les supports pertinents. Deuxième raison : il faut construire sa visibilité, car être visible aux yeux de tous n’est pas seulement impossible, c’est insensé. Chaque entité ou personnalité peut se rendre visible, mais uniquement dans une certaine sphère, dans un certain champ d’action ou domaine d’activité ayant une audience propre et définie.
Construire sa visibilité, c’est identifier les journalistes, e-influenceurs et autres internautes susceptibles de vous suivre car traitant d’enjeux communs. Il faut non seulement les trouver, mais aussi réussir à leur adresser des messages adaptés afin d’interagir avec eux et, in fine, leur proposer des contenus de qualité sur les thématiques auxquelles ils sont sensibles dans le but de créer de l’engagement. En comprenant les aspirations et les besoins en informations de son audience, il est alors possible de délivrer les bons messages pour la fidéliser et ainsi créer une réelle communauté. La visibilité n’est jamais qu’une autre façon de nommer l’influence puisque ces concepts impliquent tous deux la création de groupes et un travail sur le moyen-long terme pour fédérer ces derniers. C’est dans ce cadre que les techniques issues du marketing communautaire sont utiles afin de rassembler ces groupes autour d’un socle de valeurs communes ou encore de singularités sectorielles et professionnelles.
Etre visible, c’est également être écouté et repris. Pour cela, les nouveaux supports de communication jouent un rôle important dans la captation d’internautes et leur fidélisation : les contenus vidéos et les infographies règnent en maîtres sur l’instantanéité de l’information et la mémorisation de cette dernière, et c’est pourquoi ils doivent être privilégiés lors de la mise en place de stratégies de visibilité.
La visibilité s’inscrit également dans la transformation du métier des RP. En effet, ces mêmes outils digitaux ont permis d’évoluer vers ce qu’il est devenu très commun d’appeler les « relations publics », avec un fonctionnement plus qualitatif dans l’identification des leaders d’opinion. Ainsi, on augmente son influence sur la communauté mais également sa visibilité sur d’autres groupes partageant des centres d’intérêt similaires.
Le défi est maintenant lancé aux entreprises, personnalités et institutions : mieux appréhender la communication digitale et mettre en place des stratégies agiles afin de maximiser leur visibilité et interagir avec des e-influenceurs toujours plus exigeants mais prescripteurs.
Alexia GUELTE, Responsable Communication et Marketing – l’Argus de la presse.