Le 9 novembre dernier ont eu lieu les commémorations des 25 ans de la chute du mur de Berlin. Un moment pour se souvenir mais aussi l’occasion de se remémorer que de nombreux autres murs existent aujourd’hui dans le monde comme c’est le cas, par exemple, entre le Maroc et l’enclave espagnole Ceuta mais aussi entre le Mexique et les Etats-Unis. Deux murs qui cachent des réalités peu connues. C’est pourquoi le projet Connected Walls a, pendant plus de deux mois, documenté la vie quotidienne de chaque côté en fonction de thématiques choisies par les internautes. Le résultat : une plateforme web interactive qui brise virtuellement les murs et un web documentaire nominé au Festival International du Film d’environnement de Paris qui a débuté mardi dernier.
Igal Kohen fondateur de la société de production audiovisuelle interactive PIW et coproducteur du projet a bien voulu nous en parler.
Vous avez donc lancé ce projet le jour de la date anniversaire de la chute du mur de Berlin. Quelle est l’histoire que voulait raconter Connected Walls ?
L’histoire que l’on a voulu raconter est celle de la réalité aux abords des murs frontaliers. Il y en a 41 dans le monde et on en a ciblé deux qui sont assez similaires dans leur « fonction » puisqu’ils marquent une séparation entre le nord et le sud. On avait donc des réalisateurs de chaque côté du mur qui ont travaillé sur des thèmes qui ont été décidés chaque semaine à la suite du vote des internautes. Ensuite, les réalisateurs ont réalisé les films ensemble malgré la présence des murs.
Comment est né le projet Connected Walls et comment avez-vous fonctionné avant le lancement ?
C’est une initiative de l’auteur Sebastien Wielemans qui est un auteur belge et qui a une société de production qui s’appelle Grizzly Films. Il m’a sollicité pour participer à la production et pour boucler le financement à l’aide de fonds français. Le projet a donc vu le jour financé à plus ou moins parts égales entre les fonds français et belges avec beaucoup de fonds publics et un peu de fonds privés. Ensuite, il y a eu une période de pré-production et de développement où on a conçu le site internet. On s’est réparti une partie des tâches entre la France et la Belgique et on a lancé le projet le 9 novembre en commençant la production des films.
La production des films a donc commencé le 9 novembre dernier ? Comment cela s’est-il organisé par la suite ?
L’idée, c’était de faire venir les internautes sur le site dès le 9 novembre où deux films étaient déjà disponibles pour les faire voter et choisir le thème des prochains films. Donc, c’était tout un travail de community management pour inciter les gens à venir sur le site et voter chaque semaine. Au final, on a pu développer de nombreuses thématiques différentes qui ont permis de montrer la réalité autour de ces deux murs grâce aux regards des quatre réalisateurs. Nous sommes très fiers de ce qu’ils ont fait. Ce sont vraiment des courts objets documentaires où leurs visions prévalent. Nous sommes bluffés parce qu’ils ont réussi à produire en si peu de temps. On leur donnait le thème chaque semaine et ils avaient 6 jours pour repérer, écrire, tourner, interviewer, monter puis faire toute la post-production du film pour que nous puissions les diffuser 10 jours environ après chaque vote.
Outre l’aspect participatif avec le vote des internautes, vous en avez également mis certains en relation ? Dites nous en plus ?
C’est une expérience participative dans la mesure où toute une partie de la production est dédiée aux internautes. Si les gens n’avaient pas voté, il n’y aurait pas eu de films. La mise en relation, c’était une autre fonctionnalité du site appelée « Brake the Wall » qui est un peu plus théorique et virtuelle. L’idée était de faire se rencontrer des personnes à travers des quizz. Si deux personnes avaient un certain nombre de réponses en commun, elles étaient alors mises en relation par mail ou par réseaux sociaux. Dans les faits, cela n’a pas trop mal marché puisque on a réussi à créer plus de 400 «couples » en brisant les « murs virtuels » qui les séparaient.
Vous avez décidé de traiter de ce sujet par le biais du webdoc documentaire et de la plateforme participative. Pensez-vous que votre histoire aurait eu moins de force si elle avait été traitée, par exemple, sous le format d’un documentaire télé ?
Ce sont deux approches différentes. On y réfléchit… Il est d’ailleurs fort possible qu’émergent de ces films des objets plus longs et plus linéaires. Un objet télé, ce n’est pas la même chose qu’un objet web. Là, le but était vraiment d’utiliser les fonctionnalités du web pour briser virtuellement et symboliquement les murs en plus du vote des internautes et de la production de films en quasi temps réel. C’est un champ d’expérimentation auquel on croit. On pense que l’on a plutôt bien réussi notre objectif même si cela peut toujours mieux marcher et que l’on peut toujours s’améliorer. En tant que producteurs web, le but est d’avoir des histoires et des concepts qui prennent place sur le web.
Comment finance-t-on ce type de projet ?
C’est une économie très difficile et assez précaire. Là, c’est une coproduction franco-belge. On a la fédération Wallonie-Bruxelles en Belgique et le CNC en France qui sont deux partenaires publics qui investissent dans ce genre de contenu. On l’a donc financé en grande partie avec ces organismes là. La Fédération Internationale des Droits de l’Homme nous a soutenus ainsi que le Courrier International en tant que diffuseur. Nous, à côté, on a des activités annexes qui nous permettent d’investir dans ses projets puisque ce sont des projets difficilement rémunérateurs tout seuls. En tant que producteur, j’ai besoin de compléter cette activité là par la production de films pour des entreprises et des associations. Ce qui est plus rentable que le webdoc.
Quel est l’état d’esprit du milieu concernant l’avenir du format webdoc ?
On est tous très conscients des difficultés. On a besoin de périodes longues de développement puisque l’on ne développe pas juste une narration linéaire. Chaque programme est une expérimentation, un prototype. Il y a différents corps de métier impliqués avec des compétences bien spécifiques. Si demain plus de diffuseurs s’y mettent et si les pouvoirs publics continuent à nous soutenir, je suis optimiste concernant l’augmentation de la qualité de ces formats, l’amélioration de leurs financements et la réception de plus en plus grande de l’audience. Ce type de projets, c’est notre crédo et on y croit.
La fiche de Connected Walls sur le site du Festival International du Film d’Environnement
La sélection webdocumentaire du Festival International du Film d’Environnement
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Propos recueillis par Alexander Paull