Culture RP a interrogé Jérémy Dumont, planneur stratégique chez pourquoitucours. Il a dernièrement travaillé dans les instituts d’étude IFOP et IPSOS pour développer de nouvelles méthodologies de collecte de data sur les comportements des consommateurs. Il anime la plateforme d’échanges PSST pour favoriser l’échange de bests practices dans la communication. Il se considère comme un « planneur stratégique spécialisé dans la communication expérientielle » et a décidé de réagir face à la morosité ambiante sur le métier de planneur stratégique. Il nous livre aujourd’hui son point de vue sur l’importance de la » social media research ».
Quelle est selon-vous l’importance de la « social media research » ?
Regardez toutes ces publicités comme Nescafé « ReallyFriends » dans lesquelles les marques partent à la rencontre de leurs consommateurs dans la vraie vie à partir de facebook, la social media research répond justement à cette envie des responsables de marques de mieux connaître leurs consommateurs pour faire partie de leur vie de tous les jours. Et facebook est une très bonne porte d’entrée pour les comprendre dans leur contexte de vie, « chez eux ».
Nous en sommes au début de la social media research qui est aussi appelée netnographie. Tels des ethnographes, on peut suivre sur internet et les réseaux sociaux les traces que les consommateurs laissent derrière eux au fil de leurs interactions et les analyser. L’ethnographe observe les habitants d’un village sans poser de questions, sait se faire oublier pour ne pas influencer par sa présence, et tire ainsi des enseignements précieux sur leurs modes de vie sans que son jugement soit faussé par ses idées préconçues du fait de sa propre culture et ses modes de vie.
Or les réseaux sociaux permettent d’établir ce lien de proximité à distance et d’obtenir toutes ces informations sur le contexte des actions en ligne puisque les différentes plateformes collectent des datas sur qui fait quoi, comment, où, avec qui, pourquoi, comment?
A lire le Consumer Research through social media – Mashup of various Slideshare by Jérémy Dumont
En revanche, sur internet, l’enquêteur doit se constituer son propre groupe de personnes à étudier pour partir d’un corpus d’étude qualifié avant de procéder à l’analyse des contenus. Sinon il se retrouve confronté au phénomène de big data, c’est à dire des données collectées de différentes nature, collectées sur différents profils, à partir de différentes sources.
Or, la plupart des plateformes d’écoutes gardent le mystère sur leurs sources, ainsi elles permettent « d’écouter le web, et les influenceurs » mais rarement « les consommateurs actuels ou futurs d’une marque ». Les panels qu’exploitent les instituts d’études sont rémunérés et ne sont pas personnellement impliqués par les sujets terrains de recherche. Le netnographe doit donc se constituer son corpus d’étude et souvent ses propres outils. J’aime parfois me prendre pour Sophie Calle qui monte une installation dans une cabine téléphonique à NY puis prend en photo les gens qui l’utilisent.
Sophie CALLE « Gotham handbook » – Galerie Perrotin
Nestlé Baby Nutrition nous a demandé de trouver l’angle stratégique d’un programme relationnel dont l’objectif était de permettre à de rester en relation avec les mamans pendant 4 ans. J’ai monté une plateforme d’écoute sur « les mamans américaines » durant 3 mois. L’organisation de cette surveillance s’est réalisé sur la plateforme ecairn comprenant plus de 3000 fils RSS, comptes Twitter, blogs ou autres lieux de conversation de mamans. L’identification des sources c’est faite à partir de mots clés comme par exemple « baby shower » tapés par la suite sur différents moteurs de recherche, facebook, google, youtube…
Ensuite, j’ai qualifié chaque source en vérifiant que ces femmes étaient bien enceintes ou mères d’enfants de moins de 3 ans et qu’elles n’étaient pas en relation professionnelle avec d’autres mamans. Je me suis ainsi invité dans leur quotidien, dans leur vie de famille, dans leur moments de joie ou de doute. Je suis resté a distance et j’ai lu leurs conversations, regardé leurs photos et visionné leurs vidéos postées. J’ai fais émerger de grandes typologies de mamans et identifié de grands besoins fondamentaux.
Par exemple, un des insights que j’ai découvert c’est que la « first time mum » est plus en attente d’encouragements de la part de ses amies que de réponses sur les problèmes qu’elle rencontre avec son bébé auprès d’autres mamans. Ainsi, peut être que Nestlé Baby Nutrition
pourrait se positionner en coach des mamans plutôt qu’en expert de la nutrition des enfants. C’est ce qu’a proposé Fisher Price avec la communauté « debout les parents ».
Les plateformes d’écoute ne sont qu’un outil de netnographie parmi d’autres, il y a aussi les communautés en ligne de consommateurs.
J’ai monté une communauté en ligne de 60 hommes pour parler d’équilibre alimentaire pour le bénéfice de l’INPES. Ils échangeaient sur une plateforme dont les fonctionnalités étaient proches de Facebook : chacun avait sa page de profil, son blog et accès à des groupes de travail. Pour cette étude il a fallu les contacter pour les réunir mais pour rester dans un contexte proche de leur réalité de vie ils ont étés recrutés parce que ils présentaient des déséquilibres alimentaires et qu’ils avaient vraiment envie de trouver des solutions ensemble via le partage d’expérience.
Une des contraintes que je leur avais imposé c’était de prendre chaque jour en photo avec leur Iphone tout ce qu’ils mangeaient et de le poster sur leur blog. Au bout d’une semaine on s’est rendu compte qu’il leur était difficile de compter combien de fruits et légumes ils mangeaient par jour parce que personne ne savait à partir de combien de grammes on pouvait les compter. Ce travail est assez proche du travail de ce photographe que j’aime beaucoup. Stephanie de Rougé photographie des gens chez eux et ce qu’il y a à l’intérieur de leur frigidaire.
En ce moment, je travaille à partir du fichier des clients d’une entreprise et je croise les données acheteurs avec les données trouvées sur les réseaux sociaux professionnels.
J’utilise traackr pour constituer des plateformes de veille qui portent sur 200 représentants de chaque métier. Avec ces données enrichies, je vais leur présenter la semaine prochaine les profils types de leurs clients, « des personas », pour développer une plateforme sociale BtoB qui réponde à leurs attentes et comportements en ligne (et pas qu’aux objectifs marketing de cette entreprise en BtoB). C’est ce que j’ai commencé à faire sur le métier de planneur stratégique.
J’ai très envie de travailler pour un media afin de pouvoir analyser toutes les données collectées automatiquement et donner du sens au big data pour les équipes éditoriales mais aussi pour les annonceurs. Chez Ipsos, j’ai développé une solution d’évaluation de l’efficacité de la publicité en ligne en pré test qui collectait à la fois des données analytiques et déclaratives sur les consommateurs pour avoir une vision d’ensemble des effets de la publicité en ligne. Ce n’est plus possible de séparer l’impact media de l’impact créatif dans le digital. La solution LIVE TEST d’IPSOS collecte ces données via un navigateur et des questionnaires sont envoyés.
Le métier de planneur stratégique évolue doucement depuis celui de « capteur de tendances » avec tout ce que cela peut comporter d’intuition à garant de l’efficacité des choix media et créatif. A chaque étape du processus créatif, il peut maintenant apporter des données chiffrées collectées au plus prés de l’expérience réelle des consommateurs pour:
- décider des grandes orientation stratégiques media et création,
- faire un choix entre deux campagnes créatives en fonction des points de contact
- évaluer l’efficacité de la communication sur les objectifs du client en fin de campagne
Le planneur s’impose de plus en plus comme un planneur stratégique qui peut en effet prendre de la hauteur sur des sujets mais qui aussi, affirme sa capacité à plannifier dans le temps le succès d’une marque.